J’ai décroché en novembre, déjà plus d’un mois…
En fait, ce sont les Simones qui ont fait le décrochage moi j’avais un rendez vous médical de très longue date impossible à déplacer. J’ai regardé mes tentures et tout le reste entassées dans le salon, un peu triste. Sincèrement je pensais qu’exposer après tant d’années me nourrirait m’apporterait du bien être et de l’espoir. C’est exactement le contraire qui s’est produit. Il faut dire que je couvais depuis bientôt trois ans un « down » d’ampleur nucléaire, le projet VDf m’a servi de pare-feu c’est tout. Ce fut agréable, fertile et tellement prenant d’assembler ces lingettes soir après soir dans le dénuement relationnel le plus total avec une fille prête à exploser en mille morceaux tous les quatre matins.
J’ai tenu bon, j’ai traversé la crise accrochée comme une moule à son rocher ni les vagues immenses ni les vents mauvais ne m’ont déviée des objectifs que j’avais défini : finir cette série, l’exposer quelque part, tenir bon pour « supporter » Saskia.
Chaque soir au coucher épuisée je me disais : « ne craque pas , tiens bon… »
Certains vont encore me dire que je suis trop dans l’intime en racontant ça….
Dire ce qu’on ressent, ce qu’on pense, raconter des petits bouts de sa propre histoire ce n’est pas pour moi d’une impudeur incroyable. Jamais je ne parlerai de mon intimité vraie parce que je suis farouchement attachée à mes secrets, ce que je distribue sans arrière pensée c’est le sommet de l’iceberg rien d’autre : un ressenti qui puisse résonner en chacun, la part d’universel en moi. Le chagrin, la solitude, les rêves brisés, tout ça n’est pas simplement humain? J’ai besoin d’échanger, grâce à ces écrits personnels je me sens en phase avec les lecteurs et lectrices, surtout celles et ceux qui portent leurs peines en silence, « Les lapins sans fourrure ».
Je suis leur porte parole.
Est ce que j’ai fait des révélations sur ma vie sexuelle (ou pas) sur mes penchants secrets mes fantasmes, est ce que j’ai décrit les abus que j’ai subi en donnant des détails précis et cliniques, est ce que j’ai déjà offert en pâture des pans croustillants de mon parcours de femme?
Non.
Donc je balaie d’un revers agacé ces critiques qui m’ont tout de même troublée. Je me suis dit « ma pauvre fille tu déballes ta vie devant tout le monde sans aucune pudeur c’est dégueulasse », oui j’ai été prise d’un doute sur l’utilité de mes écrits ce n’était donc que de l’indécence auto centrée? J ‘ai ressenti un sentiment de honte. Mais bon c’est le jeu, tu donnes tu ne reçois pas que des roses.
Alors j’ai décidé de continuer parce que je ne suis qu’un grain dans l’univers (j’arrive à placer cet adage dans presque tous mes posts!) Et je pense sincèrement qu’en polissant ce grain minuscule en l’observant en le décrivant je communie avec mes lectrices et mes lecteurs, je partage de l’humanité et cela me fait du bien.
On ne choisit pas ses lecteurs. Certain(e)s peuvent avoir des motivations inavouables faites de curiosité malsaine : « Quand est ce qu’elle crache le nom de sa « maladie », elle s’est faite violer ou pas? Jamais, parce que cela n’a aucun intérêt, justement tout est là. Pourquoi nommer les choses précisément je préfère en faire le tour, en décrire les effets, les conséquences ainsi de nombreuses personnes peuvent se sentir concernées par ce que je dis de la douleur, de la cruauté de la vie, de sa beauté sauvage aussi.
Je dois bien l’avouer si ce blog n’avait qu’un but artistique je n’écrirai pas ce post et il y en a d’autres qui sauteraient. Dans la création, dans ce processus fragile il y a des creux des faiblesses des vides, et même des trous noirs. On ne peut pas raconter que les phases d’excitation de trouvaille unique, d’action forcenée. Cela ne se passe pas comme ça.
Après VDf et l’exposition j’espérais rebondir comme une kangourou. Dans un fondu enchainé artistique du plus bel effet. Ce n’est pas exactement ce qui s’est passé. J’ai réussi à mobiliser mon énergie pour construire un série de petits formats à l’acrylique ( je suis masochiste, j’essaie de vendre mes travaux artistiques sur des marchés de Noël en belle courge royale que je suis, il vaudrait mieux que je me mette au « food Art » dans ce cas ).
Pour l’occasion, en un petit mois j’ai produit toute une série faite de nus et de paysages, deux thématiques que je n’ai pas abordé depuis les beaux arts. Concernant le paysage, ce sujet me titille depuis quelques années sans oser l’aborder. Bon ce n’est pas du « grand art » ni de la création made in Peintresse Ka, j’avais juste envie d’être invisible de me fondre derrière mon sujet avec modestie.
J’ai dessiné des pins de l’eau, un ciel laiteux des corps nus. J’ai peint les Landes que j’aime tant. J’ai tracé ces formes simples archétypales et rassurantes, des arbres élancés, élégants, un lac turquoise la vie rêvée. Tout ce que j’ai envie de rejoindre pour la dernière phase de ma vie, et ben oui…
Postpartum?
Après la seule « grande » exposition que j’ai fait en 2003 à MixArt Myrys je suis tombée enceinte donc je n’ai vraiment pas eu le temps de me poser des questions sur la suite à donner à ma carrière. Je ne savais pas dans quoi je m’engageais au niveau émotionnel mais aussi au niveau physique. J’ai arrêté de peindre pendant toute ma grossesse et après la naissance de Saskia j’ai acheté un Mac d’occasion, une tablette graphique pour renouer avec la création j’ai également produit de minuscules tableaux que j’ai appelé mes « kitchen paintings », je les ai peint sur un coin de table dans ma cuisine.
La suite? j’ai découvert les réseaux sociaux et les blogs que l’on peut nourrir au quotidien avec une production réelle ou numérique, des réactions immédiates de lecteurs assidus et très réactifs, c’était grisant. Ce fut la période ArtistikkkbranletA sur Arte Blog dont j’ai déjà parlé, entre enthousiasme et désillusion.
Postpartum?
En 2021 la conjoncture est très différente. Je travaille de manière régulière (on va dire plutôt comme un métronome) cela depuis 2013. L’art est devenu quotidien et finalement moins investi de fantasmes puisque je produis avec régularité. J’ai le projet d’exposer mais cela n’est pas ma priorité. Je préfère faire que montrer. C’est la rencontre de Katia qui m’a donnée envie de plonger dans l’eau froide. Merci Katia de m’avoir poussée un peu, je ne regrette pas !
L’exposition elle même s’est bien passée, j’ai eu quelques visites émouvantes le jour du vernissage notamment, et aussi pendant le temps de l’exposition. J’ai ainsi retrouvé une amie perdue du temps des beaux arts on ne s’était pas vues depuis plus de 30 ans! Comme c’était à Saint Macaire je n’ai pas pu aller constater si j’avais des visiteurs, échanger avec eux, je ne conduis pas à mon grand regret. Mais le livre d’or contient quelques petits mots adorables et encourageants qui font chaud à l’âme. J’ai bien fait de faire des petits formats c’est eux que j’ai vendu gagnant ainsi quelques sous, ce qui n’est jamais à dédaigner.
Alors…. Quoi?
Nous sommes en 2021 je n’ai plus quarante ans mais cinquante huit, la conjoncture est assez sombres et ce n’est pas un petit évènement personnel qui peut changer la couleur du temps. J’ai une grande fille qui va passer son baccalauréat option Arts parce qu’elle désire devenir décoratrice ou architecte d’intérieur. Mais avec quels moyens, je ne peux vraiment pas assumer ses études seule, juste l’aider un peu. Il faudra donc qu’elle travaille fasse des études en alternance ou les différer, on est pas dans la caste des petits bourgeois.
-Saskia: « Maman je veux faire Met et Penninghen à Paris, l’inscription n’est qu’ à 5000 euros steupléééé . »
-Moi: « mais bien sur ma chérie cherche un appartement je me charge du reste… »
Quand on a pas l’argent il faut garder un peu d’humour… N’empêche, elle va devoir développer des compétences que les enfants gâtés ne connaissent pas c’est bien, j’ai confiance en sa pugnacité et son courage. D’autre part je vais allègrement vers mes soixante ans. Et comme j’ai vécu à rebours (chaque année vécue est une année gagnée) le résultat c’est que je ne me suis pas rendue compte que je vieillissais… La blague!
« Tout à coup » je réalise que je vais rentrer dans la dernière tranche, my godness ! Ce ne sont pas les rides qui m’angoissent ni la perte évidente d’un pouvoir de séduction illusoire. Pouvoir qui a été plus un fardeau qu’un avantage pour moi. Je me rends compte brutalement que la réalisation de mes rêves chimériques, ceux qui m’animent depuis la plus tendre enfance ont une durée de péremption qui se rapproche et je me dis : « alors tu seras donc passée à côté de la vraie vie, sans la voir sans la sentir, sans en jouir de manière directe toujours à la poursuite d’une chimère inaccessible ? » Vertige.
Et ça veut donner des leçons de sagesse?!
Je sais que ce n’est qu’ une période à l’acide qui passera (privilège de l’expérience), mais en attendant je bute contre quatre murs qui m’enserrent et m’étouffent. Vidée, complètement épuisée par les combats permanents que je mène depuis 1989 non depuis 1963 en fait.
Comment font les gens?
Le projet « corps noir » est trop grand pour moi pour le moment, je n’ai pas la force de le porter, et surtout je n’ai pas du tout envie de démontrer ni de dénoncer quoique ce soit. Je veux avoir la rétine qui pétille de couleurs, de matières oui c’est ça, juste la matérialité la réalité d’un bleu indigo d’un jaune de Naples. M’en mettre jusqu’aux joues, comme quand j’avais 5 ans.
Dans le désert, il ne sert à rien de crier. Alors.
« Faire de la peinture comme on respire, comme on regarde un feu de manière hypnotique… »
Sans aucun autre but que celui de me sentir vivante.
Oui je veux bien, oui.
Dés que je pourrai.
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Voici quelques tableautins que j’ai fait au mois de Novembre pour le marché de Noël du 04 décembre 2021. J’aurais mieux fait de rouler des crottes en chocolat.