jeu à quatre mains

Deux ans sans écrire sur le blog… Deux ans d’hibernation. Pas de regret c’est déjà arrivé, ça arrivera encore. La création est tout sauf un long fleuve tranquille. Il faut s’appeler Monet Picasso ou Matisse pour tracer son sillon sans relâche et encore je ne sais pas, peut être qu’ils ont eu des doutes des peurs, des zones grises, Claude Monet n’était jamais satisfait c’est un fait connu. La peur viscérale de perdre le fil, cela doit arriver aux plus grands.

Alors à une brindille pensez donc !

Deux ans à réfléchir, rêver, prendre des notes, râler déchirer, fuir le vide. Mais le vide c’est aussi la vie, il faut savoir laisser les choses maturer doucement. J’ai du mal. De plus, mon existence a pris un cours nouveau. J’ai regardé le crâne de verre sur mon bureau: Vanité … Je ne supporte plus de vivre en tendant vers un but improbable voir impossible. C’est tout simplement passer à côté de sa vie, la vraie celle qui est tangible. Je n’ai plus le temps d’en perdre.

Alors j’ai fait un grand pas de côté : la pratique artistique devenait un sujet non plus majeur mais contingent. J’ai ouvert les yeux et j’ai vu tout ce qui était enfoui en moi.

Cela a tout bouleversé, mon équilibre interne certes fragile mais immuable, mon phare dans la nuit, ma vie a pris une autre saveur moins égocentrée plus ouverte plus libre et vaste de potentialités. J’ai toujours aimé plus que de raison le monde animal et le monde végétal ; il y a bien longtemps que je fais des câlins aux arbres, que je pleure si une plante que j’apprécie meurt. Cet été mon vieux pied de lavande certainement planté par la grand mère qui habitait là avant moi, un gros pied tout en hauteur qui n’a pas été taillé convenablement et qui s’est hissé vers le ciel m’a quittée. Certainement épuisé de faire monter sa sève du tronc aux branches, et puis cette sécheresse assassine. Il est mort, j’ai caressé ses vieilles branches tortueuses toutes sèches avant cela il m’a offert une dernière et maigre floraison toujours aussi odorante. J’ai gardé son bois et ses fleurs d’adieu. Quand je passe devant l’endroit ou il était planté je suis très émue.

Voilà. Je ne parlerai pas des chats des chiens des oiseaux des lézards… Ce n’est pas le sujet d’un blog d’art.Tout ça pour dire que la vie prend des tournants insoupçonnés rien n’est jamais acquis ou définitif: Une seule constante le changement.

Malgré tout l’an dernier en décembre j’ai exposé de l’artisanat (art modeste) avec une amie de très longue date que j’ai retrouvée (30 ans de séparation… La vie ) ma chair Catherine. Aux « Lunes Nomades » une jolie galerie près d’Ambarès et, surprise j’ai bien vendu. Cela m’a réconfortée, j’ai compris que l’art avec un grand A n ’était pas de saison. Et voilà ma vieille frustration qui s’est réveillée: j’aurais préféré faire les arts décoratifs plutôt qu’arts plastiques. J’imaginais depuis ma petite enfance devenir créatrice de bijoux ou de chaussures, styliste ou encore décoratrice d’intérieur. Je passais mon temps à dessiner des intérieurs, des modèles de robes c’était l’exaltation. Je n’envisageais pas devenir peintre. Je n’ai jamais pensé en avoir l’envergure. Je ne nierai toutefois pas mon gout exclusif pour l’art au sens large du terme, l’histoire de l’art surtout, la beauté et la laideur sublimées, la danse, la musique. Tout cela m’inspire encore de manière totale, c’est toute ma vie. Ce sera toujours le cas.

Catherine suit également cette approche de plasticienne artisane(pour le moment hein, rien de définitif), elle utilise sa formation pour créer des objets poétiques lisses comme des galets, l’art subtil de la céramique, du biscuit. Comme moi avec ma broderie mes tissages, mes teintures végétales qui sont autant d’expériences magiques et surprenantes.L’exposition VDf m’a durablement touchée, l’art textile me sied bien, mieux que la pratique de la peinture qui me fait souffrir, ne me satisfait jamais.

Venons en aux faits, elle est pleine d’énergie Catherine et elle a souhaité travailler sur un projet avec moi. J’ai dit oui sans hésiter, se faire embarquer pour Cythères c’est trop tentant. J’ai toujours aimé les collaborations, les expositions à deux trois et plus si affinités. Souvenir ému de la période folle des Loukoums Rebelles.

Alors nous voilà à Uzeste cet été en période de festival, à exposer dans un lieu minuscule et atypique : une boulangerie galerie coopérative un peu anarchiste! (c’est la couleur de ce village surprenant). Bonjour Monsieur Bernard Lubat.

Un truc improbable comme un essai pour une autre fois, un autre lieu… Mais ça m’a remise en marche il a fallu que je travaille sérieusement sur la série de bijoux communs, en l’occurrence des broches faites de céramique blanche et de tissus, brodées aux couleurs végétales toutes douces: Elle et moi réunies dans le bonheur du « faire » à quatre mains.

Créer sans se mettre la rate au court bouillon, c’est quelque chose de merveilleux.

L’odeur du tilleul

Un papillon est venu mourir devant ma porte hier, cela m’a rendue un peu triste j’ai vu ses ailes flétrir et des insectes se nourrir dans son abdomen… J’ai pris mon balai et je l’ai mis dans le compost. C’est l’été, Saskia est partie avec Peppa et son cousin Herran chez leur grand mère dans les landes. Je me retrouve donc seule avec les chattes, seule avec le silence qui n’est pas déplaisant ni lourd. Un silence que j’habite avec joie.

Je suis en lune de miel avec moi-même. Je me découvre et m’apprécie je n’ai besoin que d’une chose, mon travail, c’est exaltant.

Au réveil un peu fourbue parce que je dois dormir avec deux chatons et leur mère, je ne me souviens pas de mes rêves. Juste de quelques images comme une réminiscence vague, comme le parfum des tilleuls en fleurs. Comme s’il ne restait que cette fragrance délicieuse et entêtante mais rien de l’arbre de sa forme de sa présence: tronc et feuilles. Comme si la consistance du rêve m’échappait.

C’est l’été… Ceux qui ont lu mon blog depuis longtemps savent combien cette saison est difficile pour moi. C’est la période de l’éclat maximum de la lumière et par conséquent de la présence menaçante et compacte de l’ombre qui dévore les esprits sensibles tels que le mien. Alors j’essaie de contenir mes angoisses et j’étouffe mes sanglots avec soin. Ce n’est pas si difficile finalement. D’autant que cette année l’été n’est pas vain, je ne suis pas en vacances. Mon temps est plein. Je prépare l’exposition qui sera effective le premier Septembre.Le vernissage lui se fera dans la première quinzaine la date n’est pas décidée.

L’océan me manque je ne peux pas dire le contraire mais je dois me contenter de ce que j’ai entre les mains.

J’arrive au stade ou le travail est difficile pour moi. Parce qu’en fait ce que j’aime le plus dans la vie c’est chercher expérimenter et imaginer. Sans avoir d’objectif trop contraignant ni concret. Je pense que je l’ai déjà dit mais vraiment j’ai un tempérament de chercheur celui qui travaille seul dans son « atelier laboratoire » loin du monde et de ses rumeurs, loin du regard des autres de ce que je peux représenter aux yeux du monde. Jouer mon rôle d’artiste ne m’apporte aucune jouissance. C’est mon travail qui doit me représenter pas mon enveloppe charnelle. Hélas les lois sociales ne sont pas faites ainsi. Et c’est à moi de me plier de jouer le jeu. Et puis je ne vais pas me mentir: j’arrive à un stade ou j’ai besoin d’un minimum de reconnaissance, au moins de la part de mes pairs.

Je suis au pied du mur et il faudra bien que j’honore ma part du contrat avec les Simones, avec Katia surtout qui m’a appelée il y a quelques jours et qui va me venir en aide pour finaliser mon projet d’installation. Avec Françoise qui m’a également appelée de Bretagne pour poser les dates accrochages, vernissage décrochage.

On pose le cadre c’est bien.

C’est si peu en fait cette exposition…. C’est juste quelque chose qui me tient à cœur mais qui n’a d’importance que pour moi. Je réfléchis constamment à la place de l’artiste dans le monde. Nous sommes sur la crête des vagues houleuses à en observer les nuances retranscrire les transparences, nous sommes des observateurs. Mais finalement nous ne changeons rien …

J’aurais aimé faire quelque chose d’utile, le monde va si mal et j’ai peur pas pour moi j’ai bien vécu mais pour ma fille est ses acolytes … Je n’arrive pas à « oublier » je n’arrive pas à me dire:  » tu exposes enfin ça fait 18 ans que cela n’est pas arrivé, c’est ce que tu attendais non, c’est génial ?!! »…. Oui oui c’est ce que j’attendais, et c’est bien non c’est plus que bien , c’est le but ultime de mon travail journalier solitaire. Mais je sais aussi que c’est vain. Il faut garder les pieds sur terre, le souci de la réalité.

Juste un grain dans l’univers Carolina , n’oublie jamais.

VDf … J’ai cherché un autre nom et rien ne vient alors j’abandonne et je garde VDf, ce sont des initiales avec des majuscules et une minuscule, c’est moche neutre et signifiant. Cela me convient. Et puis il y a le nom de l’artiste posée sur l’affiche lequel choisir : Carolina Diomandé, Carolina Diomandé la peintresse Ka ou Peintresse Ka tout court?

Si je choisis Peintresse Ka je désobéis à l’injonction paternelle du Grand Rêve ….

Et merde, je n’arrive pas me décider. J’ai découvert tardivement que je n’avais pas autant de caractère que je croyais car je m’étais érigé une armure flamboyante pour me protéger. Je suis une personne qui a beaucoup de mal à se décider, à s’affirmer à imposer ses vues. Dire non est une torture mais j’ai décidé que dans la prochaine décennie si Dieu me prête vie ce sera l’objectif premier. Il est important de se respecter soi même afin de respecter les autres c’est ce que je désire transmettre à ma fille.

Mais je m’éloigne! Ce que j’ai fait pour l’exposition : L’inventaire global de tout ce que je veux montrer. Ensuite j’ai créé une quarantaine de petits formats en acrylique et linogravure, c’est terminé verni et marouflé sur du carton solide d’encadrement. Ces tableautins seront exposée en bas (côté boutique) et mis à la vente mais ce ne sont pas des objets qui n’ont aucun lien avec VDf, ils s’intègrent totalement dans l’œuvre montrée en haut par les teintes et dans le thème du féminin. Je ne sais pas qui voudra acheter une linogravure représentant un clitoris, mais bon je n’ai pas envie de m’embarrasser d’une pudeur ridicule. Même ma mère connait cette forme ludique alors ça devrait passer … Il me reste à créer un catalogue d’exposition pour les tentures du haut (pas la grande elle n’est pas à vendre).

J’ai trouvé une idée pour accrocher les tentures j’ai toujours aimé les cintres en fer ces formes simplistes et efficaces renvoient naturellement au monde domestique quand le linge est propre qu’on l’a étendu pour qu’il sèche et qu’on l’a repassé (moi je passe cette étape chronophage), on termine par le pliage et le rangement dans une armoire en pile ou bien sur cintre.

Les tentures seront donc dans la mesure du possible montrées avec ce dispositif simpliste et humble soit contre les parois ou bien légèrement flottantes à quelques distances du mur pour obtenir un effet aérien.

Pour la tenture je donne ma langue au chat et à Katia ,on va essayer de trouver un dispositif ensembles elle m’a promis qu’on se donnerait les moyens de mettre en oeuvre une idée spectaculaire qui surprenne le spectateur je suis d’accord je lui fais confiance. Elle est douée et son imagination est sans limite.

Il me reste à envisager l’accrochage des 63 poupées j’ai quelques idées que je compte mettre en œuvre cette semaine puisque je suis toute seule. Je pense à des formes ovales en fil de fer solide sur lesquelles seraient pendues les poupées par du gros fil de pêche, tiens merde faut que je trouve du fil de pêche….

Il faudra trouver un espace pour les 5 tableaux format raisin qui sont prêts et brillant de vernis et les calebasses que j’ai peintes en gris coloré (j’ai trouvé un mélange qui me plait énormément: titane buff clair, ocre rouge et bleu indigo) .J’ai l’impression que je n’en ai pas fini avec cette demi teinte subtile et modeste qui met en valeur tout ce qui l’approche. Le gris est présent pour faire le lien avec la « non couleur » des lingettes qui furent ma première source d’inspiration et de désir. Michel Pastoureau dit que le gris est la couleur de l’ombre.

Les femmes ne sont elles pas souvent dans l’ombre n’ont elles pas été invisibilisées jusqu’ici ? Alors oui le gris me sied comme le symbole de nos conditions. Par mon regard j’extirpe le côté neutre et ennuyeux de cette teinte en la rendant chaleureuse riche et multiple.

Le pire pour la fin?! Il me reste à finaliser le texte de présentation et je dois également faire des photos dignes de ce nom j’espère que mon appareil photo fonctionne encore au dernières nouvelles il se déchargeait très vite. je me donne jusqu’à la fin de cette semaine.

J’espère que dans mes lecteurs certain(e)s viendront voir l’exposition « in situ » … Je vous invite chaleureusement.

I’m a late bloomer…

L’effort paie c’est ce qu’on dit aux enfants mais les enfants préfèrent jouer et ils ne comprennent pas. J’ai longtemps été une enfant je dirais même que j’ai gardé mon âme d’enfant et le sens de l’effort, du travail je l’ai acquis tardivement. Tout semblait facile.

Passé: J’ai brulé ma vie pour vivre des sensations éphémères et dangereuses j’en avais besoin. Un jour je me suis fracassée en plein vol me retrouvant à terre alors là oui d’un coup j’ai compris. Aujourd’hui tout ça est loin et j’ai vécu plus longtemps après le fracas qu’avant ce qui est en soi une vraie performance. Je dirai que mon art c’est avant tout de rester en vie cela prend beaucoup de temps et ce n’est pas spectaculaire.

Présent: nous sommes en Juin 2021, et le temps est très chaud, au fond de l’horizon je vois de gros nuages en forme de champignons nucléaires, volutes de chantilly bleutées tirant sur le gris. J’aime tellement regarder le ciel il vous remet immédiatement à votre place de grain dans l’univers.Radical. Vous avez essayé de peindre des nuages?

Rappel: il y a quelques mois pour le jour de mon anniversaire Katia m’a appelée et m’a annoncé que j’étais choisie pour faire une exposition chez les Simones… Impossible d’imaginer un plus beau cadeau que celui là, Katia, son sourire malicieux et sa voix chaleureuse. Nous avons la même vision du monde un peu douloureuse et remplie d’espoir. C’est elle qui est venue me chercher, me pousser dans mes retranchements, qui m’a persuadée que je pouvais le faire que c’était le moment… Allez fonce!

J’ai commencé à regarder mon projet VDf de manière globale et j’ai listé ce que je devais finir sur quoi je devais réfléchir. Depuis j’y travaille tous les soirs je ne vois pas trop le paysage, je fonce tête baissée afin d’être au maximum de mes capacités pour Septembre. Car cette exposition commencera début septembre.

Mais quel bonheur.

Pas d’exposition depuis Décembre 2003 … J ‘ai créé bien sûr, je ne suis pas restée les bras croisés bien au contraire mais, je n’ai plus eu l’occasion de montrer mon travail dans de bonnes conditions. J’ai fait des décors pour des spectacles de danse, j’ai créé un mandala pour une performance de paix et de concorde à Saint Macaire justement, avec une professeur de danse indienne Karine une femme adorable. J’ai fait ce que j’ai pu dans les limites de mes possibilités. Jamais assez à mon gout avec toujours cette sensation de frustration permanente. Comme si le temps jouait contre moi. Le temps de la féminité avec ses journées à rallonges, toutes les tâches à accomplir pour les autres, le sacrifice permanent de soi, de son être profond. Sans jamais la moindre gratification pour ce sacrifice consenti.Comme si tout ce que nous faisions pour les autres était un dû.

Genèse du projet VDf : c’est arrivé comme un coup de tonnerre, j’avais pris la sainte habitude de travailler tous les soirs chaque jour de la semaine du mois de l’année. ceci depuis Janvier 2013 l’année de mes cinquante ans. J’étais épuisée mais je ne lâchais rien. C’est alors que Saskia est rentrée du collège et me l’a annoncé: Nathalie sa professeur de danse avait été victime d’un féminicide brutal. Nathalie était morte parce qu’elle voulait vivre, partir. Ainsi non seulement les femmes se doivent de prendre tout en charge de se sacrifier, mais elles n’ont pas le droit de décider de se libérer du joug. Elles ne s’appartiennent pas en fait, elles sont objets et non sujets. Un homme peut décider qu’elles ne vivront pas sans lui, hors de lui.

Est ce qu’une femme peut commettre ça?? Oui il y en a forcément mais je crois que c’est au alentour de 3 pour cent, tout à fait anecdotique au regard des meurtres perpétrés par le patriarcat.

En moi ce fut comme une tornade, un sentiment de colère mêlé de peine immense, de vide de gâchis.Saskia était choquée elle répétait: »pourquoi Maman? »

Oui….Pourquoi?

Je me suis dit « comment je peux faire vivre cette émotion, lui rendre hommage? ». Nous (Nathalie et moi) avions discuté quelques semaines auparavant, assises sur le tapis de danse, dans son studio aux mille glaces. Elle fumait une clope parlait vite de son projet de sa passion du spectacle qui était prévu, très intime très lié à son histoire familiale elle était passionnée et passionnante j’étais charmée. je lui avais montré ma proposition(sous forme d’un gros dossier de croquis), elle avait trouvé cela bien et je m’étais mise au travail joyeuse. Ce n’était pas une amie c’était plutôt une sœur, une femme artiste qui se bat pour exister, mais je ne savais pas quel calvaire elle vivait au quotidien. Chacune avec sa peine bien rentrée, il ne faut montrer que le sourire aux dents bien brillantes et pointues de louve, cacher l’agneau entravé : pudeur.

Alors c’est arrivé « tout seul « comme souvent chez moi. Je réfléchis beaucoup en amont mais sans objet sous forme de prises de notes informelles ou de croquis numériques, de regards furtifs sur la beauté du monde, de larmes salées qui coulent et ruissellent tendrement. Tout peut faire sens, il suffit de faire les liens

J’avais ces centaines de lingettes que je conservais depuis des mois alors j’ai commencé à les assembler en pensant à elle et son sacrifice total, sa disparition insupportable. En fait je la connaissais peu mais elle devenait « Tout »pour moi , elle était à présent dans son absence le symbole de toutes nos frustrations. Je reliais ces petits bouts de lingettes grisâtres ensembles, cela n’avait pas encore de sens, j’en avais juste besoin. Relier, assembler pour comprendre pour donner une signification aux éléments éparpillés à la désintégration symbolique du Monde.

C’est cela oui: Donner du sens à sa mort absurde. Du sens à ma vie minuscule et invisible. J’avais des problèmes aussi dans ma vie personnelle mais pas à ce point, pas au point de craindre pour ma vie, j’étais juste ignorée traitée comme une femme psychologiquement fragile et instable. Comme de nombreuses femmes je me sentais niée. Une année est passée et j’ai continué à coudre tous les soirs ainsi le projet est apparu comme par magie, je ne vais pas en reparler ici parce que j’ai consacré plusieurs posts à expliquer la substance de cette démarche. Vous pouvez y avoir accès ici :

Le grand dais mesurant 8,80 m doublé de toile de métis(lin et coton).

https://lapeintresseka.com/2019/01/19/over-the-rainbow/

et là:

https://lapeintresseka.com/2020/02/19/des-choses-minuscules/

Happy End? J’ai enfin quitté l’homme avec qui je vivais, je suis restée seule dans la maison avec ma grande adolescente de fille. Cela a été très difficile de vivre avec elle la confrontation de femme à femme en devenir. J’étais, je suis le rempart, sa seule référence. Celle qui doit tenir coute que coute contre les vagues qu’elle balance obstinément sur moi. Pas question de me noyer…

Je me suis construite une vie monacale, répétitive qui pourrait paraitre ennuyeuse de l’extérieur mais il n’en est rien, je n’ai jamais été aussi concentrée sur mes buts mes aspirations et cette exposition qui arrive comme un cadeau du ciel…. Je ne cherche pas vraiment à me remettre en couple. Je ne sacrifierai plus rien pour un autre être quel qu’il soit, seule ma fille peut me faire abandonner mon ouvrage quand elle a besoin de moi de mes bras, de mon écoute. Je suis entièrement là pour elle j’ai choisi d’être mère et je l’assumerai jusqu’au bout.

Je travaille chaque jour, je dois peaufiner mes broderies, coudre la doublure affreusement lourde du grand dais de peine, peindre le visage de chacune des poupées qui formeront l’essaim aérien dans un coin de mon installation.Et commencer à envisager « l’artist-stament », le texte de l’exposition les photos pour le flyer toutes ces choses que je déteste gérer (seule la tâche de création m’intéresse ), je ne suis douée que pour ça alors me mettre en lumière… Mais bon je vais y arriver je dois le faire c’est tout. Je n’ai plus d’état d’âme.

Je le vois  » in situ » ce travail de plusieurs années cette réalisation méthodique, modeste, têtue comme je le suis. Dans la belle salle galerie des Simone, la mise en scène je l’ai déjà dans la tête et ça me fait sourire toute seule.

Maintenant j’espère que le public se laissera embarquer dans mon univers, je crois qu’on peut y trouver plusieurs choses à ressentir,enfin… J’espère. Il y a un moment ou il faut lâcher prise, montrer c’est perdre la maitrise.

Louise B me regarde et me sourit. Ok ça va le faire!

Je suis entrain de réaliser mon rêve d’enfant. Plus que jamais. Quand j’étais plus jeune et que j’ai eu l’occasion d’exposer à Paris, Bruxelles ou Toulouse dans des lieux underground et branchés je ne réalisais pas vraiment ce que je faisais là, je n’étais pas complétement satisfaite de ce que je montrais parce que je ne travaillais pas suffisamment. C’était plus une affaire de brio que de démarche réfléchie, de geste intimement vécu jusqu’au tréfonds de mon ventre. Maintenant il est question d’un travail qui abime mes doigts, mes yeux et mon dos.

Un acte libérateur et juste.

Comme quand Nathalie tournoyait en arabesque folle pour montre à ses élèves le mouvement parfait.

Des années de travail pour le tenir ce mouvement là et encore ….

Je suis une femme d’abord oui. Je suis une artiste une peintresse qui se bat pour montrer qu’elle existe hors des sentiers communs. Âgée oui , je suis une fleur tardive: « a late bloomer » comme disent les anglo-saxons. Mais toujours vivante.

Je remercie l’équipe de Simone et les Mauhargats pour leur confiance, je ferai en sorte de donner le meilleur pour que nous puissions partager un moment délicat d’art de poésie.

Et alors? Manger des nuages…

J’ai enfin terminé la broderie au point bourdon de ma dernière tenture qui est en forme de croix allongée. Pour les dernières œuvres je suis sortie du cadre rectangulaire. J’ai voulu évoquer des croix car le destin féminin c’est souvent un parcours douloureux rarement couronné de gloire ni de reconnaissance. Aujourd’hui les mentalités changent doucement et l’on tire de l’oubli des peintresses, des écrivaines des ingénieures. Toutes effacées, oubliées , parfois spoliées (dans le domaine scientifique notamment) Camille I love you.

Je commence donc la dernière phase de cette série: doubler le dais fait de lingettes celui qui mesure plus de 8 mètres et qui sera la pièce maitresse de l’exposition. J’assemble 8 mètres de drap lourd (métis) au dos des lingettes. Impossible de coudre cette doublure en une fois, alors j’enroule le dais je maintiens la longueur avec deux ficelles et j’ajoute mètre par mètre de tissu. Ce n’est pas difficile c’est juste un travail de patience et de précision. Mon annulaire de la main droite semble creusé au niveau de la pulpe du bout du doigt cela forme un petit cratère dur et sec, c’est la trace de l’aiguille que je dois enfoncer dans les multiples couches de matière. L’art laisse son empreinte dans ma chair!

Finalement dans le monde obscur ou nous sommes plongé(e)s cette tâche de longue haleine est parfaitement adaptée. Je ne me demande pas ce que je vais faire le soir j’attrape mon gros tas de tissu je le pose sur mes genoux et j’assemble en écoutant un podcast d’Arte, ou une série sur Netflix.

Une fois que j’aurais terminé ce travail il faudra que je mette tout ça en forme pour pouvoir l’exposer. Parce que pour une fois je suis vraiment convaincue par ce que j’ai fait. Je veux le montrer j’ai les mots pour le décrire, tout fait sens. J’ai passé mon été à faire des croquis de scénographie parce que pour une fois et alors que je n’ai pas encore fini, j’ai déjà une proposition de lieu d’exposition sérieuse. Et même si cela ne fait pas là je suis prête à aller taper à différentes portes pour trouver un endroit, je me sens solide pour défendre ce projet. Ce qui m’empêche ce sont plutôt les conditions actuelles de vie, l’incertitude qui règne partout, cela a quelque chose de terrifiant de ne pas pouvoir se projeter.

J’ai déjà commencé une nouvelle série dont j’ai parlé dans le dernier post « Strange fruit », c’est encore très flou mais petit à petit en relisant des textes, en faisant des croquis j’avance. En fait ce travail je le vois déjà terminé ce qui est assez étrange cela ne m’est jamais arrivé, mais je sens que je vais devoir mettre beaucoup de moi même et ce n’est pas exactement ce que je projetais de faire après VDf, ce que je visualise: de grandes toiles de tissu qui pendent avec d’immenses portraits peints dessus à grands traits avec beaucoup de couleur une envie de Gauguin, du douanier Rousseau de Rembrandt, des poupées de grande taille qui pendent également « les fruits étranges » , une installation numérique avec les textes de mon ami Régis Roux et des flots d’images celles que j’aurais produit et d’autres qui sont dans le domaine public. J’avoue, j’en ai assez de ne parler que de problèmes qui me brulent parce que je n’ai pas de peau, j’en ai marre d’incarner la cloche impériale résistante. Je rêverais de peindre une desserte rouge, un bouquet de tournesols, quelques pins désolés un soir de Septembre avec une belle palette de mauve de jaune de chrome de rouge sombre, une palette qui ne vaut que pour elle même: la couleur en majesté.

Cela voudrait dire que j’ai trouvé le repos mais je ne suis pas sure que cela soit mon destin, peut être. Je ne comprends pas notre monde, ni les complotistes que je trouve ridicules voir dangereux ni ceux qui suivent aveuglément les restrictions gouvernementales sans se poser de questions sur la perte de nos liberté, sur le sens de cette vie qui n’en a plus enfin pour moi. Je ne comprends ni n’accepte pleins de choses que je trouve violentes et injustes en fait, mon petit confort mon bonheur individuel ne peut pas me suffire.

Ou sommes nous là maintenant?

Mais bon je dérive, ce blog parle de couleurs, de lumière, de travail acharné, d’inspirations fugaces et trompeuses. Ce blog pose des questions d’ordre plastique. Toutefois l’artiste(moi en l’occurrence) vit dans un monde donné il n’est pas hors sol. Et je vois bien que de nombreuses formes d’art sont entrain de s’étioler jusqu’à disparaitre c’est épouvantable. Je suis solidaire des artistes qui ne peuvent plus travailler. Les arts vivants sont les plus touchés mai pas que… Je connais des artistes peintres qui restent secs en ce moment, et je les comprends parce que je fournis un effort monumental pour continuer c’est ma santé mentale qui dépend de ma production alors je « force » l’inspiration je me fais violence, pas envie? « ta gueule tu continues! »…On a que cette vie et j’ai passé le plus clair de la mienne à me battre pour survivre alors j’ai pas le temps pour la dépression profonde. Covid ou pas, confinement ou pas, solitude absolue ou pas, j’avance.

Bien sur je me sens triste et déprimée, pas la peine de se mentir, mais je ne suis pas la seule je crois !

J’ai envie d’un grand repas avec les ami(e)s la famille, une grande table couverte de victuailles variées du vin de l’herbe des gâteaux et du pain frais. J’ai envie d’une journée chaude qui s’étire lentement avec des rires d’enfants et des chaises longues parsemées dans l’herbe. Une fête pour rien, juste pour se retrouver.

Cher(e)s lectrices et lecteurs je vous souhaite une belle année nouvelle que l’énergie du vent nous emporte.

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La dernière tenture avec des vignettes décrivant le déroulement du processus de création. Automne 2020

 

Quelques croquis et travaux numériques autour du « corps noir », qui peut se déployer en » corps étranger » pour ouvrir la problématique. Ce qui n’est pas blanc, occidental est « autre ». Plusieurs axes de travail de ce corps consommé vendu annihilé: le corps nourricier, le corps érotisé, le corps envié et donc abimé et traité comme un déchet, le corps en majesté pour renaitre. Il y a de quoi faire …. L’étoile brillante de cette série: Sarah Baartman dite la Vénus Hottentote dont l’histoire à la fois fascinante et terrible me permettra de relier entres eux chaque parti pris. Voilà ou j’en suis, ce n’est que le début.

over the rainbow

Je suis très silencieuse, de plus en plus repliée sur moi même. Ces deux dernières années j’avais réussi à inverser le mouvement, aidée en cela par Mme A psychologue et hypnothérapeute. Ma phobie sociale s’était éloignée et je prenais part à différents projets en société avec mes congénères, ceci sans trop rechigner. Et puis chassez le naturel… A nouveau je redoute de sortir de chez moi , enfin c’est plus subtil que ça, je peux aller à Bordeaux par exemple sans aucun problème,là bas je ne vais rencontrer personne je suis seule dans la ville , je parle dans ma tête. J’aime regarder les gens j’ai une vraie bienveillance envers tous ces individus que je côtoie pendant quelques minutes dans le tram, au Mac Do ou que je croise de manière fluide rue Sainte Catherine des rencontres définitivement sans avenir, éthérées tout ce que j’aime.

Le reste du temps je suis chez moi, je travaille sur mes copies, je dessine, j’écris je brode. C’est de cela que je vais parler aujourd’hui. D’ailleurs je ne vois pas de quoi je pourrai parler d’autre… Ce blog est un morceau de moi, de mes questionnements, de mes recherches. Il dépasse forcément le cadre du texte sur l’esthétique mais je n’ai pas la prétention à me décrire comme modèle de l’artiste inconnue. Je témoigne juste de ce que je sais, de ce que je vois, de ce que je sens et je parle de ma pratique quotidienne depuis mes 50 ans.

J’ai cessé de peindre à la fin de l’été, ce n’est pas un drame j’avais besoin d’une respiration, d’un vide salutaire. On avance en creux, avec le manque il n’y a pas d’oubli possible, pas pour moi. D’ailleurs je viens de préparer douze cartons dits « cartons bois » parce-qu’ils sont solides et très rigides, j’ai marouflé dessus des feuilles de kraft peintes en blanc. Je prépare tout doucement un retour vers le pictural. Saskia m’a dit en voyant les cartons sécher sur le sol du salon : »ah Maman tu vas te remettre à peindre?? » l’œil allumé par le plaisir de voir sa mère reprendre une tâche rassurante et quotidienne.Finalement elle m’a toujours vu peindre, dessiner,les mains dans le papier mâché ou la terre…

Oui, je lui ai répondu oui. Mais bon ce n’est pas ce qui occupe mes soirées en ce moment. Je brode, assemble des lingettes les unes aux autres. Ma grande « tente tapis couverture » mesure plus de six mètres maintenant, j’ai beaucoup de difficulté à l’étaler de tout son long. Se pose la question de l’exposition et de la présentation d’un tel objet. Pour le moment c’est très flou, je l’imagine en début d’exposition avec un texte écrit tout petit à l’encre, parlant du processus de la lessive du début à la fin… Pour comprendre tout le temps matérialisé ainsi par cette longue » route »: ceci est ma peine. Ceci est ma charge quotidienne.Plusieurs possibilités s’offrent à moi. Poser le travail au sol comme le long tapis rouge de la charge mentale mais, je n’ai résolu le problème des saletés déposées dessus par des déambulations humaines lors de la visite de l’exposition. Peut être pourrais je demander aux personnes d’ôter leurs chaussures pour fouler mon linceul comme s’ils pénétraient dans mon intimité, ils seraient intimidés amusés, il faut savoir surprendre son public. Une autre idée me séduit, c’est accrocher la couverture au dessus du sol mais pas très haut ce qui visualiserait un processus de parcours obligé avant de voir mes toiles (celles des cinq séries de « pure peinture »). Les personnes, surtout les plus grandes seraient obligées d’avancer un peu penchées, dans une posture « dos courbé » inconfortable, alors elles ressentiraient physiquement ma douleur, mon confinement, notre ratatinement féminin perpétuel..

Ce sont des idées qui me trottent dans la tête quand je brode en silence. Car comme je l’ai déjà dit la broderie est une activité bénigne, insignifiante, purement féminine, on pourrait ajouter délicate voir gracieuse! Mais quel bonheur d’avoir les mains occupées pendant que la cervelle surchauffe. Je lis beaucoup en ce moment parce que je sens que vient le moment de mettre en mots sur le papier l’histoire de ma vie. Il y a matière et j’en ai un grand besoin. Mais comme d’habitude ce qui me manque c’est le temps, je ne peux pas l’étirer à l’infini et c’est vraiment un crève cœur pour moi, j’enrage.

Dans cette solitude volontaire je rêve… Chacun des points que je pique dans la lingette grisâtre témoigne de l’ acharnement que j’ai à ne pas me résoudre à la noyade silencieuse dans le ventre mou d’une vie féminine sans avenir, sans passé. Une vie passée à s’affairer sans laisser de trace, oui c’est exactement cela. Les fils de soie, de coton perlé m’ouvrent des mondes merveilleux. J’en ai beaucoup, énormément, c’est ma tendance boulimique et compulsive à vouloir posséder toutes les couleurs enchanteresses qui me séduisent. J’ai six nuances de rose chair et c’est juste suffisant, une dizaine de gris colorés, de l’ivoire, deux vert presque dorés comme les carapaces de certains scarabées, des monceaux de bleus de l’indigo, du bleu pervenche, de ce magnifique bleu de Prusse bien plus profond que le noir qui m’ennuie définitivement… C’est là que réside mon appétit, dans la couleur des fils qui relient mes rectangles aux gris infiniment subtils.

Je vais donc continuer, parfois j’ai des bouffées d’angoisse à me demander ce qui va advenir des ces morceaux de tissus brodés, de ces tableaux rangés dans une grosse boite peinte en bleu outremer, des poupées que j’accumule nues, sans visage. J’ai mal aux articulations des mains, aux cervicales c’est le prix à payer.

Peut être qu’à force de tisser obstinément ma toile je vais finir par trouver mon chemin…

Cette toile est en largeur brodée, rebrodée de manière obsessionnelle, elle est faite avec les lingettes de mon amie Christine Hiot qui participe au projet.
Parchemin tout en longueur fait avec des lingettes collectées par Corinne Robbe.

Je voudrai remercier les femmes qui me soutiennent et m’envoient des lingettes qu’elles utilisent ou collectent: Kloé Magali Dordain, Emilie Médici, Corinne Robbe et Christine Hiot.

Détail d’un des sacs que je brode et peint sur toile teinte, l’art modeste m’accompagne aussi avec ferveur, je pense que la beauté doit se trouver partout dans nos vies.

Ourses Papilons

OURSES PAPILLONS

Nous de la flamme

Ou de sa nuit

Avec un arc si fin sous le front

Nous ouvrons le sol face au vide

Nous déclarons le cœur gonflé de paille chaude

Nous regardons la blancheur accompagner notre taille

Quelques bouts de soie suffisent

Une fourrure fermée

Sans craindre l’ours ou l’ivresse du papillon

Car nos yeux notre bouche traversent poupées et déjà femmes

Ensemble mais sans dépasser l’ombre de la jumelle

Nous n’avons qu’une fleur différente

Plus légères que la présence

Anonymes pour mieux rester libres

Régis Roux ; le 27 octobre 2018.

Je laisse à Régis que je remercie les mots pour décrire ma création actuelle, faite de fils de gaze, de tulle de coton ancien de petits bouts de tissus conservés avec amour, de dentelle héritées de ma grand tante. La seule ou presque dans ma famille à croire en moi et à alimenter de menus présents ma création. J’espère que là ou elle est aujourd’hui elle sourit quand elle me voit fouiller dans ma cassette à vieilles dentelles .Dentelles qui viennent de sa mère, dentelles qu’elle a avec patience décousues de vieux linges de nuit, caracos et autres culottes fendues. C’est très âpre en ce moment et je me raccroche à mes aiguilles comme à un gouvernail.

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Cuisine locale

Pendant deux années consécutives j’ai fait des dessins sur feuille A4 au feutres, au crayons, à l’encre aux pastels. Ces dessins m’ont totalement libérée de ce que je pouvais produire avant. Ceci à partir de mes cinquante ans ce qui n’est pas tout à fait anodin. Je me suis sentie à l’apogée de quelque chose ( ma petite vie?) avec en même temps une peur viscérale au creux du ventre. Alors j’ai dessiné soir après soir sans but autre que celui de me discipliner de produire envie ou pas fatigue ou pas. Je me suis sentie acculée… Au même moment mon ami Pixel bleu est mort, ça a été un choc je n’avais plus vraiment de nouvelle de lui depuis longtemps mais je pensais à lui, à nos conversations virtuelles nos rêves lui c’était l’azur, l’infini …Cela m’a encore renforcé dans la décision de ne plus jamais arrêter de produire jusqu’à ma mort.

Cuisine(un):

Je prends différents supports ceux que j’ai sous la main (pour le moment je n’ai pas mené de réflexion profonde sur les choix que je fais dans ce domaine, ça viendra…). Je décide que » tel nombre  » de supports sera la série X, ma première série de ce type c’est la » bleu et rose » celle que j’ai commencé en hommage à Eric. Je lisse les bords des planches de bois marine puis commence à passer mon gesso, plusieurs couches de ce blanc mat et crayeux qui fait un bon fond solide, entre chaque couche je ponce finement.Ensuite …Ah! C’est le grand saut je décide de la couleur locale du nombre de tons que j’utiliserai. Puisque nous parlons de la série bleue aujourd’hui,pour celle ci j’ai mis de côté les différents bleus outremer et cobalt que je possède et tous mes rouges dans le panier en osier qui me suit dans toute la maison puisque je peins à plusieurs endroits. Le carmin, le grenat, le rouge garance, le rouge acra..Puis également le blanc toujours utile et le gris de payne moins violent que le noir de mars.

Pleine conscience de mes actes:

Je n’ai pas eu envie de travailler avec un fond, je ne veux plus de fond. Je ne veux plus d’une hiérarchie de ce type dans ma composition. Je refuse la forme sur le fond, je refuse également tout forme d’illusionnisme avec le fameux point de fuite, je ne veux pas faire semblant, semblant au sens d’une référence à la »prétendue réalité « je ne veux pas faire « illusion »:  je peins, j’organise des surfaces des formes des couleurs des couches de peintures qui se chevauchent effacent certaines parties en révèlent certaines autres, je trace des traits pour délimiter des territoires. C’est le premier acte délibéré et conscient de ma peinture. Ce que je veux faire c’est de la peinture et rien d’autre, montrer que le tableau est » une composition organique « . J’ai envie de ramener la peinture « à la surface »car paradoxalement c’est là qu’elle prend le plus de profondeur. Il n’y a pas de centre tout est centre chaque partie du tableau est aussi importante qu’une autre, la pratique du mandala m’a amené à ce constat.

Il faut le faire ce saut: « entrer dans  la dimension d’une  présence qui n’a rien à voir avec la représentation » Kandinsky.

Mais quand on l’a fait c’est comme quand on fait la planche dans l’eau froide et verte au large d’une plage des Landes en été vers 11 heures :le paradis.

Cuisine (deux):

je dessine dans un souffle une forme qui va animer la surface, je définis des contours. Cette forme c’est le fameux « nicht noch sein » dont je parle depuis longtemps, c’est la matrice originelle qui « peut faire penser » à un corps, une cellule, un continent vu de l’espace, je ne sais pas …. Cette forme peut être évocatrice d’un objet réel mais pour moi cela n’a pas d’importance, cette forme que je trace sans réfléchir c’est certainement le fantôme de tous les dessins que j’ai fait depuis mon enfance. Hors la forme, je peins en bleu couche sur couche en aplats translucides avec alternance de couches de laque acrylique pour accentuer l’effet de profondeur de vide, d’éther. Ce bleu c’est mon or des icônes en quelque sorte.C’est un labeur long répétitif pas gratifiant mais qui me réjouit. Dedans la forme je travaille de manière différente en alternant des couches de couleurs différentes faites de mélanges subtils  :rouge de mars, jaune de Naples, blanc, vermillon grenat… En créant des nuances qui finissent par se transformer en aplats finalement! Mais tout ce qui est fait même invisible a son importance. Là encore des heures de peinture au sens premier, couche sur couche patiemment dans un geste mesuré délicat pour ne pas dépasser les limites, les deux mondes colorés ne devant pas se mêler, c’est le jeu c’est la règle que je me suis donnée. Ensuite j’ajoute une forme nuageuse qui elle se permet de chevaucher les deux mondes celui du bleu et celui du rose. Elle est conjugaison, blanchâtre et translucide elle laisse voir les deux formes qui en dessous, tout en créant un nouvel espace. Puis je décide qu’il doit y avoir de la ligne dans la composition une forme fermée  pas droite, en effet j’évolue dans un monde souple en arabesques en courbe, le monde du vivant de l’organique. Alors je respire profondément et je trace au pinceau fin d’un trait décidé et définitif sans repentir possible une ligne qui se ferme créant une nouvelle forme vide à l’intérieur en opposition aux trois autres formes pleines. Elle crée une dynamique et un nouveau jeu de délimitations des territoires picturaux. Ce trait est rouge acra, un rouge très lumineux tirant sur l’orangé. Ce trait est important il dynamise mes compositions. Dans tout ce jeu de surfaces répertoriées je repasse des couches de carmin violacé rose chair orangé, je peins certaines parties avec du bleu outremer en glacis jouant sur de nouvelles limites en transparence. Puis j’ajoute une ligne ouverte qui commence à un bord de la surface du tableau et file jusqu’à un autre bord comme un grand intestin, serpent, rivière, route ? Comme vous voudrez. Cette ligne traverse chaque toile de manière différente, s’enroulant précisant des formes avec à certains endroits un épaississement qui est comme un œuf… un foie. La couleur est indéfinissable je travaille encore dessus. Je regarde mes compositions et il me semble qu’il manque quelque chose alors j’ajoute des éléments de collage. Je conserve méticuleusement depuis des années des feuilles de journaux féminins, papier glacé, papier de soie rangés par famille de couleurs. Je prélève dans ce trésor visuel tout ce dont j’ai besoin: des chairs, des bleus et des violacés subtils. Ces papiers un fois réunis en collages recomposés et photocopiés de nombreuses fois  je dispose alors d’une »palette » prête au plus juste au plus près de ce dont j’ai besoin pour mes toiles. Manier la couleur c’est ce que je préfère à tout.cropped-img_30681.jpgcropped-a1.jpgJ’ai du mal à définir plastiquement cette partie « collage » pour le moment elle donne du relief, de la matière, elle donne du reflet, de la réalité (avec les fragments de corps, mains manucurées, satin bleuâtre). Je trouve qu’elle donne du rythme et de l’harmonie à une composition un peu monotone et lisse.J’ai également ajouté des transferts de dessins anatomiques ou biologiques en référence aux calques de photoshop, la pratique numérique ayant bien nourri ma pratique picturale…La prochaine fois je vous décrirai ma deuxième série!

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La beauté du Monde

J’ai beaucoup de mal à m’installer devant mon PC pour écrire un article. Comme je l’ai déjà dit je ne suis pas une artiste « à plein temps », j’ai plusieurs vies et j’essaie de toutes les conjuguer avec sérieux et méthode. En début d’année j’ai décidé de tout terminer,tout le travail en cours. Je ne pensais pas que cette décision aurait autant d’impact sur mon quotidien. Alors j’ai tout sorti, en premier les peintures qui sont en chantier certaines depuis 5 ans. D’abord la série bleue et rose que j’ai commencée à la mort de Pixel Bleu mon ami artiste. Tiens la mort me rend créative, pour remplir le manque? Ma première série « réelle » je l’ai faite en état de choc émotionnel après la mort de mon père en 1994.

Ce matin je me suis réveillée fatiguée, les douleurs du corps qui s’invitent avec insistance surtout depuis que j’ai arrêté de fumer rendent le sommeil morcelé… Les cauchemars, les rêves me réveillent en pleine nuit. Et ce cerveau qui ne sait pas se mettre en veille prolongée. Ce cerveau qui explose d’idées, d’images, de sons et de mots .Et Saskia qui grandit en souffrance aiguë me faisant partager sa peine en m’agressant comme un jeune chat qui mord en jouant, plante ses petites dents fines dans la chair puis se réfugie sous votre aisselle pour faire un câlin. Je garde mes distances émotionnelles comme je peux face à ses accès, question de survie, égoïsme? Non je ne crois pas. Elle fera un jour sa vie  plus ou moins loin de moi et il ne sera pas question de m’accrocher à elle, de lui faire croire que je ne peux pas vivre sans elle. Je dois donc garder le cap: mère certes toujours prête à la défendre l’aider l’aimer l’écouter mais femme active et indépendante aussi, artiste surtout qui a son travail à accomplir, pour moi c’est le plus beau cadeau que je puisse lui faire.

Ce matin chacun vivait sa petite routine ensommeillée en silence, j’avais fini de boire mon thé vert au riz grillé, un délice. J’allais me poser une demi heure sur le canapé pour lire un peu en buvant mon café. Avant je me mettais à faire du rangement dés mon petit déjeuner terminé, maintenant c’est fini je prends du temps pour rêver et lire. C’est vital. La poussière peut attendre de toute façon elle sera là demain quoique je fasse ou pas.J’ai ma tasse en main je pousse les tableaux qui sont posés sur le sol pour aller m’asseoir (je travaille le soir dans mon coin atelier du salon). Ceci pour être près de Saskia et Francis pouvoir bavarder avec eux en peignant, ça ne m’a jamais dérangé et c’est la raison pour laquelle j’ai adoré travailler en squat dans un grand atelier communautaire. La lumière est encore pâle, il fait gris ce matin nous nous levons tous les trois tôt: 06h30. Je pose ma petite tasse de faïence sur la table basse  et je saisis le premier tableau qui est devant moi, je reste debout en pyjama à le contempler…Médusée. Oui médusée je ne vois pas d’autre mot que celui ci, surprise par mon propre travail accompli, en fait aux bords des larmes… La fatigue chronique due aux douleurs, les agressions verbales de ma fille, et ce que je vois, tous ces facteurs conjugués me donnent envie de pleurer. C’est la première fois que je suis »satisfaite » du cheminement de ma pratique, ce que j’observe est fluide, calme, sans effet mais compact comme? Comme un mandala! Le morceau de bois peint dans les mains je laissais couler les larmes salées et j’ai envie de rire. Toute une vie, toute ma vie j’ai couru après cette sensation de plénitude, d’harmonie discrète, de paix et de satisfaction inquiète. Jamais je n’ai pu réaliser ce que je voulais vraiment faire car je ne savais pas ce que je voulais « vraiment ».J’admire plus que tout Francis Bacon, mais aussi Jean Dubuffet, Louise Bourgeois, Georgia O’Keeffe, et le calme d’Henri Matisse…. Tous des artistes « plutôt » figuratifs, enfin ce n’est pas si simple…. Depuis quelques temps je me rapproche de Piet Mondrian, sa solitude sa rigueur sa soif d’absolu sans aucune concession m’attire irrésistiblement….

J’ai beaucoup tâtonné, essayé, me croyant expressionniste je n’ai jamais été satisfaite des mes « débauches » plastiques. J’ai longtemps éructé, craché ma colère, ma violence ma peur de mourir de ne pas enfanter, de finir seule.J’ai eu besoin de cette excitation permanente mais cette forme d’art catharsis ne me plaisait pas au fond, elle parlait trop de moi. Cet art je le trouvais » faible » plastiquement sans vraiment pouvoir expliquer pourquoi d’ou la frustration permanente et la dépression, les ravages du doute. Et puis l’art figuratif m’a toujours ennuyé.Je peux raconter des histoires j’ai des mots pour ça. L’oeil pense, il panse surtout… De manière subtile. J’ai  passé des heures devant les grands Rohtko du musée Pompidou dans les années 90, je m’enfonçais dans la peinture dans la couleur avec ravissement.

Tout a commencé pour moi en 2013 à cinquante ans, quand j’ai décidé de dessiner tous les soirs, deux années j’ai donc dessiné sans me poser de question. Elles ont été déterminantes pour la suite. Je m’en rends compte aujourd’hui. J’ai la gorge serrée d’émotion. J’ai appris à lâcher prise, à me faire confiance à faire émerger les formes main droite, main gauche sans me soucier de raconter quoique ce soit sur moi sur les malheurs du monde qui m’obsèdent. La lecture du livre de Fabrice Midal « la petite philosophie des mandalas » a ouvert la porte, celle qui m’a menée là ou je suis aujourd’hui près de mon cœur tout simplement.Comme si je n’avais plus peur de me regarder en face, comme si une part de moi pouvait enfin sourire sans arrière pensée, après 50 ans de loyaux combats au service de la survie, je m’autorise à vivre.

Je n’ai pas choisi cette famille picturale, elle m’a tendue les bras. Elle  est exigeante silencieuse, j’ai une conscience aiguë du potentiel peu « séducteur » de ce travail que j’accomplis mais voilà je me suis affranchie de l’envie de séduire , une envie qui peut facilement vous conduire à la ruine je le sais. D’un autre coté, j’ai été dépistée bipolaire il y a deux ans et j’ai refusé la prise de médicaments. Les deux psychiatres qui me suivent ont compris mon choix. Ma médecine: la création et la méditation que j’ai commencé à pratiquer cette année lors d’un stage de pleine conscience organisé par ma psychiatre, une femme qui me fait confiance.Rien n’est plus précieux que ce regard.

Ainsi je parle de moins en moins, et je cherche jour après jour la Beauté du monde.

Carolina Diomandé le 24/04/2018 à 14h.

LE tableau en question issu d’une série de 26, acrylique en aplats avec effets de glacis très fins plus vernis plus collage et transferts sur bois.Maintenant je vais chercher un local pour continuer cette aventure en plus grand!

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I still loving you…

Chaque journée est un mini marathon ou j’essaie de voler quelques heures au quotidien chronophage. Peut on considérer que j’ai une démarche artistique réelle en travaillant de manière effective une heure par jour, sachant que le reste de la journée et la nuit je passe mon temps à réfléchir sur mes projets tout en assurant le quotidien. Finalement le seul moment ou je me concentre c’est quand je bosse pour les élèves là je suis à ce que je fais par respect pour leur travail .

Pouffff un coup de baguette de la fée Testicule!

Ah si j’étais un homme , je serai capitaine comme dit la chanson québécoise des années 70…Alors ça y est je suis un homme , plutôt beau gosse colérique et attachant, appelez moi Tikén (c’est le nom que m’auraient donnée mes parents si j’avais été un garçon) .J’ai une petite femme toute mimi qui admire mon art et fait en sorte que je puisse travailler, réfléchir ,écrire, peindre dans la plus grande tranquillité et je pense qu’elle m’aime pour « l’artiste en devenir » que je suis. Nos trois charmants bambins n’ont pas le droit de déranger Papa qui peint (ce n’est pas son violon d’Ingres c’est son travail alors respectez ça les gamins ) même si c’est Maman qui rapporte l’argent pour faire vivre la famille. Lola (nommons ainsi ma tendre épouse) fait en sorte de ne pas me troubler avec les contingences répugnantes du quotidien, rentrant  sans faire de bruit des courses, les bras chargés de victuailles pour nourrir la famille. Elle pose les crackers japonais au wasabi que j’aime tant sur mon bureau, ceux que je croque nerveusement quand les idées me fuient …. j’en profite pour l’attraper par la taille en passant mais celle ci s’enfuit en riant me traitant d’obsédé… Elle aimerait bien s’attarder dans mon atelier mais là ce n’est pas possible car elle doit préparer des endives picardes pour ce soir (ces endives du nord qui me rappellent mon enfance et que j’aime tant), j’ai une femme merveilleuse….

STOP!!

Ce n’est même pas un fantasme car je ne rêve pas d’être transformé en gros macho artiste peut être… mais macho quand même…C’est juste une tentative d’endosser le costume de l’HOMME artiste qui a un statut si différent de celui de la femme artiste parce qu’il trouve en général une femme admirative qui  s’occupe de lui  avec dévouement. Une femme artiste n’a jamais cette « chance » enfin je n’en connais aucune qui ait trouvé la perle rare sacrificielle!

 

J’étouffe, je camoufle ma colère qui couve en mal de dos persistant qui brûle mes lombes en plein milieu de la nuit et je me dis que si cela continue ainsi je n’y arriverai jamais, je veux dire que je n’arriverai jamais à aller au bout de mes projets, autant mourir tout de suite. Ajoutez à tout ça ma propension à m’engager dans des projets multiples fort séduisants mais  toujours bénévoles qui réduisent encore la portion congrue du temps de création. Cet été j’ai fait un bilan sévère en rangeant mon atelier, après avoir fini le décor du spectacle de danse  de Nathalie aux Carmes…Il fut amer. Certes j’aime commencer les choses pas trop les terminer (je croule sous les idées c’est comme ça depuis toujours) mais il y a des limites. Je fragmente tellement mon quotidien en « tâches » différentes dans le même lieu que cela en devient aliénant. Alors étalant tous mes projets: les »artdolls », les objets en papier mâché,les bijoux en tissu, les peintures sur supports divers sans compter ma production numérique, les textes que j’écris  je me suis dit STOP, je vais FINIR tout ça j’y mettrais le temps mais je vais le faire et ensuite je ferai des cadres moi même et je chercherai toute seule un endroit pour exposer, sans rien dire  je le ferai c’est tout, coûte que coûte en regagnant du temps  pour moi.

ça va être la guerre….

J’ai décidé de « les » faire plus participer au quotidien que j’assume toute seule alors que moi aussi je travaille (mais à la maison donc c’est comme si je me tournais les pouces toute la journée, c’est clair je passe mon temps à surfer sur Facebook et je me prends des bains moussants d’une heure tous les jours…humour noir et amer). Pour le moment ça ne bouge pas trop…Leur quotidien est tellement confortable : toujours du papier cul dans les toilettes, un repas chaud midi et soir préparé à heure fixe, la petite chemise bleue que cherche Saskia affolée est bien rangée dans son armoire….Et tout ça sans aucune gratification ni remerciement d’aucune sorte, jamais, comme si c’était NORMAL. Normal que je sacrifie tout mon temps, toutes mes journées pour deux êtres qui s’entre déchirent en me prenant à témoin, me piétinant au passage sans vergogne ….

Il y a un temps pour tout, il y a un moment ou il faut changer les habitudes toxiques.

Alors vous qui lisez cela vous vous demandez ce qui me prend. Ou vous avez arrêté avant parce que les récriminations d’une ménagère c’est pas ce que vous vous attendez à lire sur un blog » soit disant » artistique. Mais pourtant je suis au cœur du sujet, dans l’œil du cyclone de la vie d’une artiste  femme …Le « #balancetonporc » m’a remuée en profondeur et je fais donc le constat de ma petite vie de bonne femme qui rêvait d’être une artiste. Je vais avoir 55 ans et j’ai presque honte quand il est 19 h 15 que je suis entrain de travailler fébrilement sur une série que j’ai envie de continuer,d’avoir perdu un quart d’heure sur l’horaire habituel de la confection du repas. Je suis tellement formatée que je ne pense même pas à leur dire de temps en temps :  « hé les gars les filles ce soir c’est je regarde dans le réfrigérateur et je me prépare un truc parce que moi là je suis trop occupée , il faut que j’avance mon taff. »

Mais ça n’arrive jamais.

Je vais donc TOUT finir, terminer, plier, encadrer. Ne plus rien prendre comme engagement exit les fêtes du jardin ou j’ai passé du temps sans avoir aucune reconnaissance ou un décor qui m’a pris un mois et m’a cassé le dos sans recevoir aucun merci, à quoi bon, je ne suis pas aigrie juste lucide et ça fait très mal. Maintenant je vais travailler pour MOI. Je vais y arriver parce que je suis pugnace (les virus que j’héberge depuis 30 ans le savent bien !!) encordée à la volonté d’être moi même avec mes fulgurances, mes émotions mes intuitions. J’ai envie de voir le bout de ce petit morceau de tunnel de ma vie.Ce n’est pas quelque chose de nouveau pourtant. Avant de tomber enceinte de Saskia  fin décembre 2003  j’ai fait une exposition de belle envergure au grand squat art  « Mix art Myrys » de Toulouse, elle avait recueilli de bons échos et j’avais même vendu trois œuvres à une bourgeoise toulousaine. Je peux donc aller au bout d’un projet, je déjà l’ai fait.Plusieurs fois.

C’est une histoire de survie, c’est une histoire de femme, de femme artiste, c’est mon histoire.

Saskia est grande elle a treize ans, elle me demande sans cesse de la lâcher, je crois qu’il faut que je reprenne les rênes de ma vie, il y a urgence.

Urgence de me faire plaisir, de me faire du bien, de prendre conscience de ma puissance créative, de ma singularité.

La guerrière reprend les armes : ses chers pinceaux…