Traversée du désert

C’est comme cela qu’on nomme une période creuse chez un artiste. Cela veut dire qu’il y a un début et forcément une fin, lorsqu’on arrive exténué dans des contrées moins hostiles avec le retour du vert, de la vie et d’un point d’eau claire ou l’on peut se rafraichir. Chair création.

J’ai beaucoup réfléchi, je ne fais que ça! Finalement ce n’est pas du tout la première fois que je reste muette et immobile incapable de produire quoi que ce soit.Je dirais même que c’est une histoire de cycles alternant sentiment de puissance, créativité accrue enthousiasme délicieux

puis dépression accompagnée d’une lenteur de réflexion, de manque de motivation et d’une dévalorisation douloureuse. Je ne sais pas comment ça se passe pour les autres( enfin si un peu..)Pour moi c’est ainsi. Peut être que c’est l’une des raisons pour laquelle je n’ai pas « réussi »à percer? On ne saura jamais. En même temps les problèmes psychiques et l’hyper sensibilité chez les artistes c’est courant mais pas inévitable (attention au mythe de l’artiste torturé alcoolique qui finit par se suicider dans la déchéance la plus totale). Le cliché a la dent dure.

Je me sens mieux maintenant je crois que la grosse crise est passée. Il me faut le temps de retrouver mes marques, me relever. Je dois m’atteler à une nouvelle thématique et trouver un but, des aspirations. C’est un peu comme l’appétit : on peut le perdre et ensuite le retrouver. C’est aussi simple que ça. Mais tout de même c’est angoissant car se pose la question de savoir si la source est définitivement tarie ou seulement encombrée de pierres, ce qui fait qu’elle ne coule plus mais de manière temporaire. Peut être que mon prochain post parlera d’une nouvelle série, ou de croquis, de petits bouts de tissus cousus et brodés, je ne sais pas. J’espère.Il faut que je dégage chaque pierre une à une, c’est fatiguant.

En attendant je me suis remise à la couture, je fabrique des nuisettes des petits hauts des robes.

Aujourd’hui je vais poster quelques clichés de l’exposition VDf. Je me suis rendue compte que je ne vous avais pas montré ce moment qui m’a bouleversée durablement et qui a peut être contribué à rendre difficile la reprise des mes projets artistiques : c’est arrivé à deux de mes amies. Elles m’ont toutes deux rassurée et je leur sais gré de m’avoir permis de relativiser cette période grise.

Pourquoi grise d’ailleurs? Le gris est une couleur magnifique sourde délicate modeste, qui s’accorde avec toute les autres. Mes lingettes déclinaient toute une gamme de gris qui offrait au spectateur un espace apaisant et subtil. C’est ce qu’on m’a dit.

Alors je vous montre ça?!!

affiche

Les calebasses

et

Les poupées, peuple des femmes
vue d’ensemble du grand tapis
autre vue coin des bonnes femmes et poupées en grappe

aussi

poupée gros plan
Calebasses gros plan
Trois tentures en conversation
l’artiste ka Diomandé

Voilà… La suite de l’aventure….

Bientôt!

I’m a late bloomer…

L’effort paie c’est ce qu’on dit aux enfants mais les enfants préfèrent jouer et ils ne comprennent pas. J’ai longtemps été une enfant je dirais même que j’ai gardé mon âme d’enfant et le sens de l’effort, du travail je l’ai acquis tardivement. Tout semblait facile.

Passé: J’ai brulé ma vie pour vivre des sensations éphémères et dangereuses j’en avais besoin. Un jour je me suis fracassée en plein vol me retrouvant à terre alors là oui d’un coup j’ai compris. Aujourd’hui tout ça est loin et j’ai vécu plus longtemps après le fracas qu’avant ce qui est en soi une vraie performance. Je dirai que mon art c’est avant tout de rester en vie cela prend beaucoup de temps et ce n’est pas spectaculaire.

Présent: nous sommes en Juin 2021, et le temps est très chaud, au fond de l’horizon je vois de gros nuages en forme de champignons nucléaires, volutes de chantilly bleutées tirant sur le gris. J’aime tellement regarder le ciel il vous remet immédiatement à votre place de grain dans l’univers.Radical. Vous avez essayé de peindre des nuages?

Rappel: il y a quelques mois pour le jour de mon anniversaire Katia m’a appelée et m’a annoncé que j’étais choisie pour faire une exposition chez les Simones… Impossible d’imaginer un plus beau cadeau que celui là, Katia, son sourire malicieux et sa voix chaleureuse. Nous avons la même vision du monde un peu douloureuse et remplie d’espoir. C’est elle qui est venue me chercher, me pousser dans mes retranchements, qui m’a persuadée que je pouvais le faire que c’était le moment… Allez fonce!

J’ai commencé à regarder mon projet VDf de manière globale et j’ai listé ce que je devais finir sur quoi je devais réfléchir. Depuis j’y travaille tous les soirs je ne vois pas trop le paysage, je fonce tête baissée afin d’être au maximum de mes capacités pour Septembre. Car cette exposition commencera début septembre.

Mais quel bonheur.

Pas d’exposition depuis Décembre 2003 … J ‘ai créé bien sûr, je ne suis pas restée les bras croisés bien au contraire mais, je n’ai plus eu l’occasion de montrer mon travail dans de bonnes conditions. J’ai fait des décors pour des spectacles de danse, j’ai créé un mandala pour une performance de paix et de concorde à Saint Macaire justement, avec une professeur de danse indienne Karine une femme adorable. J’ai fait ce que j’ai pu dans les limites de mes possibilités. Jamais assez à mon gout avec toujours cette sensation de frustration permanente. Comme si le temps jouait contre moi. Le temps de la féminité avec ses journées à rallonges, toutes les tâches à accomplir pour les autres, le sacrifice permanent de soi, de son être profond. Sans jamais la moindre gratification pour ce sacrifice consenti.Comme si tout ce que nous faisions pour les autres était un dû.

Genèse du projet VDf : c’est arrivé comme un coup de tonnerre, j’avais pris la sainte habitude de travailler tous les soirs chaque jour de la semaine du mois de l’année. ceci depuis Janvier 2013 l’année de mes cinquante ans. J’étais épuisée mais je ne lâchais rien. C’est alors que Saskia est rentrée du collège et me l’a annoncé: Nathalie sa professeur de danse avait été victime d’un féminicide brutal. Nathalie était morte parce qu’elle voulait vivre, partir. Ainsi non seulement les femmes se doivent de prendre tout en charge de se sacrifier, mais elles n’ont pas le droit de décider de se libérer du joug. Elles ne s’appartiennent pas en fait, elles sont objets et non sujets. Un homme peut décider qu’elles ne vivront pas sans lui, hors de lui.

Est ce qu’une femme peut commettre ça?? Oui il y en a forcément mais je crois que c’est au alentour de 3 pour cent, tout à fait anecdotique au regard des meurtres perpétrés par le patriarcat.

En moi ce fut comme une tornade, un sentiment de colère mêlé de peine immense, de vide de gâchis.Saskia était choquée elle répétait: »pourquoi Maman? »

Oui….Pourquoi?

Je me suis dit « comment je peux faire vivre cette émotion, lui rendre hommage? ». Nous (Nathalie et moi) avions discuté quelques semaines auparavant, assises sur le tapis de danse, dans son studio aux mille glaces. Elle fumait une clope parlait vite de son projet de sa passion du spectacle qui était prévu, très intime très lié à son histoire familiale elle était passionnée et passionnante j’étais charmée. je lui avais montré ma proposition(sous forme d’un gros dossier de croquis), elle avait trouvé cela bien et je m’étais mise au travail joyeuse. Ce n’était pas une amie c’était plutôt une sœur, une femme artiste qui se bat pour exister, mais je ne savais pas quel calvaire elle vivait au quotidien. Chacune avec sa peine bien rentrée, il ne faut montrer que le sourire aux dents bien brillantes et pointues de louve, cacher l’agneau entravé : pudeur.

Alors c’est arrivé « tout seul « comme souvent chez moi. Je réfléchis beaucoup en amont mais sans objet sous forme de prises de notes informelles ou de croquis numériques, de regards furtifs sur la beauté du monde, de larmes salées qui coulent et ruissellent tendrement. Tout peut faire sens, il suffit de faire les liens

J’avais ces centaines de lingettes que je conservais depuis des mois alors j’ai commencé à les assembler en pensant à elle et son sacrifice total, sa disparition insupportable. En fait je la connaissais peu mais elle devenait « Tout »pour moi , elle était à présent dans son absence le symbole de toutes nos frustrations. Je reliais ces petits bouts de lingettes grisâtres ensembles, cela n’avait pas encore de sens, j’en avais juste besoin. Relier, assembler pour comprendre pour donner une signification aux éléments éparpillés à la désintégration symbolique du Monde.

C’est cela oui: Donner du sens à sa mort absurde. Du sens à ma vie minuscule et invisible. J’avais des problèmes aussi dans ma vie personnelle mais pas à ce point, pas au point de craindre pour ma vie, j’étais juste ignorée traitée comme une femme psychologiquement fragile et instable. Comme de nombreuses femmes je me sentais niée. Une année est passée et j’ai continué à coudre tous les soirs ainsi le projet est apparu comme par magie, je ne vais pas en reparler ici parce que j’ai consacré plusieurs posts à expliquer la substance de cette démarche. Vous pouvez y avoir accès ici :

Le grand dais mesurant 8,80 m doublé de toile de métis(lin et coton).

https://lapeintresseka.com/2019/01/19/over-the-rainbow/

et là:

https://lapeintresseka.com/2020/02/19/des-choses-minuscules/

Happy End? J’ai enfin quitté l’homme avec qui je vivais, je suis restée seule dans la maison avec ma grande adolescente de fille. Cela a été très difficile de vivre avec elle la confrontation de femme à femme en devenir. J’étais, je suis le rempart, sa seule référence. Celle qui doit tenir coute que coute contre les vagues qu’elle balance obstinément sur moi. Pas question de me noyer…

Je me suis construite une vie monacale, répétitive qui pourrait paraitre ennuyeuse de l’extérieur mais il n’en est rien, je n’ai jamais été aussi concentrée sur mes buts mes aspirations et cette exposition qui arrive comme un cadeau du ciel…. Je ne cherche pas vraiment à me remettre en couple. Je ne sacrifierai plus rien pour un autre être quel qu’il soit, seule ma fille peut me faire abandonner mon ouvrage quand elle a besoin de moi de mes bras, de mon écoute. Je suis entièrement là pour elle j’ai choisi d’être mère et je l’assumerai jusqu’au bout.

Je travaille chaque jour, je dois peaufiner mes broderies, coudre la doublure affreusement lourde du grand dais de peine, peindre le visage de chacune des poupées qui formeront l’essaim aérien dans un coin de mon installation.Et commencer à envisager « l’artist-stament », le texte de l’exposition les photos pour le flyer toutes ces choses que je déteste gérer (seule la tâche de création m’intéresse ), je ne suis douée que pour ça alors me mettre en lumière… Mais bon je vais y arriver je dois le faire c’est tout. Je n’ai plus d’état d’âme.

Je le vois  » in situ » ce travail de plusieurs années cette réalisation méthodique, modeste, têtue comme je le suis. Dans la belle salle galerie des Simone, la mise en scène je l’ai déjà dans la tête et ça me fait sourire toute seule.

Maintenant j’espère que le public se laissera embarquer dans mon univers, je crois qu’on peut y trouver plusieurs choses à ressentir,enfin… J’espère. Il y a un moment ou il faut lâcher prise, montrer c’est perdre la maitrise.

Louise B me regarde et me sourit. Ok ça va le faire!

Je suis entrain de réaliser mon rêve d’enfant. Plus que jamais. Quand j’étais plus jeune et que j’ai eu l’occasion d’exposer à Paris, Bruxelles ou Toulouse dans des lieux underground et branchés je ne réalisais pas vraiment ce que je faisais là, je n’étais pas complétement satisfaite de ce que je montrais parce que je ne travaillais pas suffisamment. C’était plus une affaire de brio que de démarche réfléchie, de geste intimement vécu jusqu’au tréfonds de mon ventre. Maintenant il est question d’un travail qui abime mes doigts, mes yeux et mon dos.

Un acte libérateur et juste.

Comme quand Nathalie tournoyait en arabesque folle pour montre à ses élèves le mouvement parfait.

Des années de travail pour le tenir ce mouvement là et encore ….

Je suis une femme d’abord oui. Je suis une artiste une peintresse qui se bat pour montrer qu’elle existe hors des sentiers communs. Âgée oui , je suis une fleur tardive: « a late bloomer » comme disent les anglo-saxons. Mais toujours vivante.

Je remercie l’équipe de Simone et les Mauhargats pour leur confiance, je ferai en sorte de donner le meilleur pour que nous puissions partager un moment délicat d’art de poésie.

Strange fruit…

Mon dernier billet date de Février.  Depuis je n’ai rien écrit, j’écris peu ces derniers temps. Je ne sais pas si on peut parler d’un épisode thymique profond, je n’en ai pas l’impression. Pourtant mon rythme est lent je ne me sentais pas capable jusqu’à il y a quelques semaines d’innover de réellement créer du moins le côté « surgissant » de la créativité, la pulsion inconsciente qui vous conduit à inventer un monde l’extraire du néant.

Ce qui m’a touchée ces derniers mois ce ne sont pas des éléments de ma vie personnelle, en tout cas pas d’éléments  tangible. Il est par contre un état nouveau qui commence à naître en moi, un état de  tranquillité de puissance, d’indépendance que je n’ai tout simplement jamais connu. Je me situe en tant que personne aux contours affirmés, pas liée pas courbée pas accrochée à un autre être. Je n’ai pas envie non tout simplement pas besoin de reconstruire ma vie en couple. Je goûte les joies du célibat volontaire, être jugée comme une vieille ménopausée solitaire même pas peur!! Je sais ce que je ne veux plus et les hommes, ceux que j’ai pu côtoyer ne semblent pas m’offrir cette union libre égalitaire à laquelle j’aspire désormais. Les hommes de ma génération  ont été élevé aux mamelles du patriarcat (si je puis dire!)  ils ne s’en rendant même pas compte, c’est intériorisé c’est assourdissant. Ayant tant donné de moi même et plus encore jusqu’à sacrifier ma vocation, je ne peux tout simplement plus me plier  davantage.

C’est un élément qui mérite d’être approfondi parce qu’il y a un lien fort entre ce nouvel état mature et un approfondissement de mon art dans des détails qui ne m’intéressaient pas avant. Je me doute que ce que je fais ne sera jamais mis en lumière mais je sais que je dois continuer à peaufiner mes projets les rendre le plus intelligibles, maîtrisés.

Mais revenons à l’état de ce qui m’écorche vive : celui du monde, de la terre. En mars, mi-mars nous nous sommes retrouvé(e)s confiné(e)s. En France, en Europe …Partout dans le monde en fait. Comme une grande terreur qui s’est abattue sur les peuples, comme un voile de crêpe noir paralysant. En France, la terreur  a pris une tournure dictatoriale : impossible de sortir sans attestation, des rues vides des villes vides. Un gouvernement qui ment qui gesticule improbable et ridicule, dangereux. Mais tout cela vous savez, vous l’avez vécu comme moi… Peut être pas de la même façon. Pour moi la privation de liberté provoque des troubles importants beaucoup d’angoisse, je ne peux pas obéir de manière aveugle sans comprendre sans que cela soit absolument justifié : je ne peux pas. La bonne surprise c’est que j’ai pu vivre en harmonie avec ma fille jour après jour l’une et l’autre ensembles, dans notre île avec nos deux bêtes aimées. Ce n’était pas gagné d’avance aux vues de nos caractères explosifs, j’ai pu finir ma grossesse il me manquait presque deux mois …

Et puis il y a eu la mort de Georges Floyd, afro américain qui a perdu la vie en direct filmé par un smartphone, mort à plat ventre sous les genoux d’un policier insensible fort de son droit de sa supériorité d’homme blanc représentant la loi. Je déjeunais et j’ai stoppé cette vidéo quand je me suis rendue compte que je regardais quelqu’un en train de mourir. (Il n’y avait rien qui signalait l’agonie de cet homme), choquée  et foudroyée je me suis comportée comme un zombie toute la journée.

Tout est remonté, tout ce que j’oublie volontairement pour pouvoir vivre. Le début de ma vie, moi comme embryon dans ce ventre tendu. Moi comme scandale absolu, comme souillure. Ni noire ni blanche.

Alors quoi? Qui?

Enceinte à 17 ans… D’un NOIR. Annie Van de Walle. Ma mère.

Ma mère a fait fort et c’est dommage qu’elle ait mis toutes ces forces dans cette grossesse pour ne plus jamais assumer par la suite les conséquences de ses actes, de ses choix : moi en l’occurrence.

Mon père cet être idéalisé qui a supporté l’humiliation, le jugement parce qu’il aimait ma mère, parce qu’il m’aimait je lui voue un amour absolu et définitivement perdu. Je vous ai peut-être déjà conté cet épisode cuisant ?? Je ne sais plus j’ai eu trois blogs successifs et il y a donc peut être des redites…Voilà l’anecdote:

Ma mère va chercher mon père à Paris, ils arrivent ensembles en train à Saint just en Chaussée la ville proche du petit village de l’Oise ou vivent ma grand-mère et mes arrières grands parents.

C’est un moment fort et attendu, cette présentation est cruciale pour la suite. Tout l’imaginaire des deux parties est à l’œuvre: Un noir….Une famille blanche.

De ce que m’a rapportée ma mère, ils sont descendus du train. Mon père superbe comme toujours vêtu d’une chemise noire et d’une veste de costume en daim fauve. Ma mère beauté juvénile du nord grosses joues pâles fierté d’amoureuse transgressive.

Il s’est avancé au-devant de ma famille qui les attendait, il souriait et puis il n’a pas compris le groupe a continué passant devant lui sans répondre à son sourire  sans s’arrêter à sa hauteur. Ayant honte de montrer qu’ils côtoyaient un noir, que leur fille, petite fille avait commis le pire acte qu’elle pouvait imaginer : mélanger deux races par nature incompatibles, coucher avec un nègre. Ils n’ont pas pu le recevoir, l’accueillir dignement. Pour étayer mon propos et montrer que non je n’exagère pas  je me réfère à un petit documentaire trouvé sur l’INA datant de 1961 (deux ans avant ma naissance).Il faut les entendre ces braves gens des années soixante, les colonies s’écroulent mais le sentiment de supériorité de différence est là crue brutale assumée. C’est très difficile à entendre mais cela m’a aidée à comprendre cette réaction absurde presque comique au fond.

documentaire de l’ina :racisme en France 1961;

Mon père était très fier(d’origine noble il avait l’habitude d’être respecté) mais il a ravalé sa honte, il a continué à faire bonne figure a montré sa bonne éducation, il a même fini par être adopté par ma grand mère qui l’adorait ce jeune homme raffiné et très sérieux dans ses études.

Qui est le sauvage?

Cette mort-là (celle de Georges Floyd) balancée comme celle d’un animal, cette mort qui s’additionne à toutes autres m’a bouleversée.

L’objectivation du corps noir.

J’avais travaillé sur l’Afrique en 1994/95 pour surmonter la mort de mon Père, comprenant que jamais il ne me serrerait dans ses bras qu’il ne m’aiderait pas à faire le lien avec cette culture qui fait partie de moi et que j’ignorais totalement. Il est parti j’avais un an et quelques mois il est mort j’avais 31 ans et quelques mois, je l’ai toujours attendu en vain.

C’est une plaie béante en fait, impossible à suturer alors parler de cicatrice, de résilience face à cette abyme de souffrance est absolument inenvisageable. Je vis avec. C’est tout. Malgré tout.

J’ai quasiment terminé mon projet VDf, depuis plus de six mois je reprends chacune des créations textiles et je les peaufine j’ai également cousu une cinquantaine de poupées  pour mon installation. Il faut maintenant (je me suis donné les vacances d’été comme date butoir)  imaginer la scénographie de cette œuvre totale en la mettant par écrit et en travaillant l’espace,  le regard du spectateur la  mise en lumière les sons. Ensuite je devrai écrire le texte explicatif et effectuer les démarches de lieux pour exposer ce travail.Le pire reste à faire mais j’ai bien compris maintenant que lorsqu’on commence sa vie dans l’opprobre la honte et le déni et bien c’est tout simplement presque impossible de s’affirmer, de se donner une valeur de soutenir le regard des autres…La question est :  » vais je réussir à surmonter cet handicap….Un jour? »

Je peux donc commencer à remettre en marche la machine, et mon sujet est tombé du ciel comme un coup de foudre brutal. La série sur le Deuil ma première série ne peut pas suffire à comprendre ce que veut dire être noir pour moi, je n’ai aucune idée du »comment » mais je sais pourquoi maintenant. Je dois accumuler les images (je fais toujours un tableau secret sur pinterest pour nourrir mon imagination), ensuite et bien je vais écrire, lire des textes des livres sur tous les sujets qui concernent la question du corps noir. Je ferai des dessins, des croquis .Le plus difficile étant pour moi de sortir de l’illustration pour entrer dans le projet plastique, je ne suis pas très douée pour conceptualiser  je connais mes faiblesses. il faudra que j’en joue en tout cas que je fasse avec. Je suis trop vieille pour me changer totalement j’ai trop à dire trop à montrer pour me concentrer sur la forme, je creuserai avec mes ongles jusqu’à ma mort pour dénoncer l’ignominie et l’injustice je sais que cela représente mon chemin de vie.

e Aprés avoir dénoncé MA  condition de femme. J’insiste sur ce fait parce qu’on m’a posé la question: je pars de mon nombril pour aller vers l’universel, comme une pierre qu’on jette dans l’eau et qui fait des ronds à l’infini. Je ne prétends pas que mon ressenti représente celui DES femmes en général mais j’ai bien compris par les réactions de mes amies, leur réflexions que je touche juste. Et ce n’est pas fini ce projet ne sera jamais fini tant que le patriarcat nous étouffera nous cantonnera à un rôle ornemental secondaire et passif.

Je rêve d’un autre monde pour Saskia et ses sœurs. Il sera âpre au niveau environnemental alors s’il pouvait au moins être plus juste pour chacune d’entre nous.

I’m a dreamer.

Comme je dis à chaque fois je vais essayer de venir ici plus souvent. Cette période fut pour nous toutes et tous très particulière, me concernant cela m’a rendue muette….

Je vous souhaite de bons moments. Sachez apprécier chaque jour comme des morceaux délicieux d’infini.

A bientôt n’hésitez pas à laisser des commentaires à me contacter, j’ai l’impression de travailler dans le désert, mortelle solitude.

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Sadia Diomandé

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pèle mêle familial

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Genèse projet du deuil

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Boite remplie de mes tentures brodées avec amour…Il n’y a plus qu’à….Juillet 2020.

Ourses Papilons

OURSES PAPILLONS

Nous de la flamme

Ou de sa nuit

Avec un arc si fin sous le front

Nous ouvrons le sol face au vide

Nous déclarons le cœur gonflé de paille chaude

Nous regardons la blancheur accompagner notre taille

Quelques bouts de soie suffisent

Une fourrure fermée

Sans craindre l’ours ou l’ivresse du papillon

Car nos yeux notre bouche traversent poupées et déjà femmes

Ensemble mais sans dépasser l’ombre de la jumelle

Nous n’avons qu’une fleur différente

Plus légères que la présence

Anonymes pour mieux rester libres

Régis Roux ; le 27 octobre 2018.

Je laisse à Régis que je remercie les mots pour décrire ma création actuelle, faite de fils de gaze, de tulle de coton ancien de petits bouts de tissus conservés avec amour, de dentelle héritées de ma grand tante. La seule ou presque dans ma famille à croire en moi et à alimenter de menus présents ma création. J’espère que là ou elle est aujourd’hui elle sourit quand elle me voit fouiller dans ma cassette à vieilles dentelles .Dentelles qui viennent de sa mère, dentelles qu’elle a avec patience décousues de vieux linges de nuit, caracos et autres culottes fendues. C’est très âpre en ce moment et je me raccroche à mes aiguilles comme à un gouvernail.

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Les quatre éléments

Depuis plusieurs années je couds je brode avec les vagues souvenirs de conseils donnés par ma grand mère lors des trop longues vacances d’été en solitaire. J’affectionne particulièrement la confection de poupées, elles ont quelque chose de fascinant.Et si on veut bien faire parler tonton Jung il y a une raison originelle à cette passion. J’en ai déjà parlé ici, lorsque j’étais âgée de 4 ans je possédais un petit poupon que j’adorais qui représentait un esquimau. Il était fait en tissu et vraie fourrure avec, si mes souvenirs ne me trahissent pas trop une tête  et les mains en porcelaine. Un jour de rage sourde je l’ai démembré, sous la table entre les grandes jambes des adultes certainement attablés pour un de ces longs repas dominicaux tellement ennuyeux pour moi, unique enfant de la famille. Je n’ai plus de détail de cet événement. Mais n’empêche, cinquante ans ont passé et je tourne encore autour  des poupées, désormais je ne les détruis plus bien au contraire je les conçois, je les couds, les assemble je leur donne vie. La boucle est bouclée et ça me va très bien.

J’ai commencé à me faire la main avec des petits animaux et puis ensuite j’ai voulu créer mes propres poupées plus proches des fétiches que des doudous pour bambins… La poupée déborde de significations: ludiques, rituelles, esthétiques. Même désacralisées elles sont les intermédiaires entre deux mondes: le vrai et le simulacre, l’animé et l’inanimé, le jouet et le fétiche, le sacré et le profane…

Toutes ces raisons et d’autres certainement obscurément liées à des phénomènes inconscients font que je me sens faite pour créer ces objets. Je deviens démiurge. La poupée parle également de la place de la petite fille future femme, d’ailleurs ce qui est drôle c’est que je n’ai pas joué « aux poupées ». Je les abandonnais à moitié dénudées sur le carrelage quand je n’avais coupé la moitié de leur chevelure pour des expériences capillaires punk avant la lettre. Je me souviens de mes tantes, de ma grand mère prenant une voix faussement attristée totalement ridicule pour me dire que je n’étais pas une »bonne maman » que mes bébés allaient prendre froid traités ainsi, je me souviens les avoir regardées d’un œil torve qui voulait dire : »vous me prenez vraiment pour une imbécile non? » et je suis polie… Je n’étais pas une petite fille « facile » mais tellement calme…. Et sage, du coup personne ne se posait la question de savoir si j’allais bien, bref.

J’ai donc commencé il y a trois ans une série de quatre poupées fétiches qui incarneraient les quatre éléments (j’ai fait des recherches dans ce sens sur la symbolique des éléments les signes dédiés tout ça).  J’ai confectionné les corps  dans une bonne toile de lin issue de vieux draps (j’en ai des kilos achetés il y a des années sur le marché aux puces à Toulouse ), à l’époque ça ne coûtait rien comme j’ai bien fait. Dans le corps rempli de ouate issu d’un vieil oreiller j’ai glissé un petit cœur d’argile des rognures d’ongles des cheveux m’appartenant (on est sorcière et on l’assume)! Ensuite je les ai tatouées sur les bras en inscrivant les signes magiques incarnant la terre l’air le feu et l’eau, puis j’ai confectionné des robes plus des sur-jupes et des ceintures dans différents tissus censés représenter les éléments invoqués: par exemple j’ai fait le choix d’une grosse bure marron pour la sous robe de Lurra (la terre en basque), celle ci porte des teintes sobres noir brun beige et elle a comme bijou un morceau de tige de fruit de camélia. Son vêtement est rigide et lourd pour symboliser les forces de la Terre.

J’ai laissé de côté ces quatre objets pendant deux ans prise par de nouveaux projets. Mais je reviens toujours sur mes pas et comme cet été j’ai pris une claque lorsque j’ai terminé mes séries picturales sans pouvoir imaginer et réaliser les encadrements qui me permettraient de les exposer au public…(allo Papa Freud vous pouvez passer mardi soir? )… J’ai été prise d’une tristesse et d’un accablement sans fond. La seule chose qui pouvait me redonner de l’énergie c’était de reprendre d’autres projets laissés en suspens. C’est une bonne chose pour moi d’avoir toujours des trucs à finir sous la main. Je quitte la peinture pour le moment pour un mois un an pour toujours je n’en sais rien. Je ne cherche pas à perdre du temps à creuser mes cendres. Je construis j’élabore je crée… Les poupées que je fabrique ont certainement une vertu curative et apaisante. En tout cas elles m’ont redonné le sourire en les voyant enfin terminées, belles pleines de mon pouvoir féminin. Elles incarnent ma force productive.

Depuis j’ai enchaîné sur la finition de calebasses modelées en papier mâché( une trentaine), elles aussi ont une fonction symbolique j’y reviendrai. Je me pose beaucoup de question pour la suite. J’ai envie de couler mes jours sur le bassin, modeler la terre faire cuire mes pots, mes lubies mes douces chimères, me promener avec le chien (que je n’ai pas encore) les pieds nus dans le sable noir et parfumé à l’iode d’Andernos ou Gujean Mestras.

Voir les saisons passer.

Rien d’autre.

 

 

F comme…

Je termine difficilement je dois l’avouer, mes différentes séries picturales en cours. Faute d’avoir réglé certains « problèmes » personnels qui m’empêchent de m’exprimer complètement. Je suis dans les derniers détails et ça me met sur le gril ensuite il faudra penser à la mise en œuvre, l’encadrement encore des douleurs à venir, mais je fais ce que je peux honnêtement, je ne peux pas faire mieux.

J’ai commencé une nouvelle série je me confesse ici cher blog j’avoue…. J’ai pêché! C’est une fausse nouvelle série en fait. Depuis un an je collecte, je conserve les lingettes anti-décolorantes que j’ajoute à chaque lessive. Comme souvent j’ai commencé sans savoir vraiment pourquoi, j’ai mis le linge à sécher dehors pour la énième fois, sous le soleil seule et découragée. J’accrochais les culottes, les pulls, les t shirts et puis au fond de la bassine j’ai ramassé « la » lingette, elle était bleuâtre très belle alors je l’ai gardée et faite sécher comme le reste du linge, et puis j’ai continué ma petite vie en gardant toutes les lingettes que j’utilisais à chaque lavage en machine. Quelques temps après ce non événement, je me suis aperçue que la pile grandissait sur un de mes bureaux: elle symbolisait mon travail de titan secret, d’esclave discrète du foyer. C’était fort et conséquent je savais que je tenais là quelque chose de « bon », de signifiant à tous les points de vue. Alors j’ai étalé au sol la grosse pile en me disant  : » Caro il faut que tu fasses quelque chose avec ça « , à la fac j’avais découvert l’art féministe, le Pattern painting, Rebecca Horn, Laurie Anderson  et Cindy Sherman. D’autres femmes aussi qui me donnaient envie d’exister en tant qu’artiste engagée, sans compter Frida qui m’avait complètement remuée de fond en comble quand j’ai découvert son œuvre dans les années 90. Toutes ces artistes m’ont bien nourrie, je voyais dans leur travail une révolte douceâtre et distanciée. J’aimais cette féminité voluptueuse et conceptuelle et je n’ai pas oublié Le mot d’ordre absolument incontournable qui résume en quelques mots la démarche de toutes ces artistes: le privé est politique.

C’est venu tout seul c’est venu d’un coup: j’allais coudre toutes ces lingettes ensembles pour former un tout de ces actes répétés, répétitifs, fragmentés comme ma pauvre vie.Ce tapis, cette tenture, cette tente, cette couverture (je ne sais pas encore comment je présenterai cette œuvre modulable textile douce et chaude comme un nid) serait le reflet de la routine nauséeuse toujours semblable, subtilement différente qu’est ma vie. Ces lingettes grisâtres signifiaient beaucoup plus que j’aurais pu le penser au début. Alors je me suis mise au travail je ne pouvais pas attendre. Il se trouve que j’adore coudre à la main (j’ai appris toute petite avec ma grand mère pendant les longues vacances d’été solitaire), j’aime broder c’est répétitif et apaisant, c’est une tâche minuscule lente qui laisse place à la rêverie… Combien de femmes ont dû refaire leur vie dans leur tête, la magnifier sans bruit en cousant des petites chemises en coton, en ravaudant les trous dans les chaussettes de leurs hommes, en brodant un énième napperon… Papa fume Maman coud, c’est comme ça que j’ai appris à lire avec Daniel et Valérie juste après les événements de soixante-huit…

J’étais de ces rêveuses immobiles, j’étais Cendrilon, j’étais Marie Thérèse mon arrière grand mère qui ne disait jamais rien et trimait en admirant son époux, Gustave le militaire magnanime.

J’ai décidé de coudre les lingettes par dix pourquoi ? pourquoi pas il faut bien se choisir une consigne. Puis de coudre et relier chaque bande les unes aux autres avec un point serré en utilisant de beaux fils de coton perlé à broder, des fils de soie également, que je collectionne depuis des années. J’ai voulu utiliser des fils nobles et solides aux couleurs vives et luxueuses. Des bleus outremer, du rose vif, du chair du vert absinthe du blanc tirant sur l’argenté. J’ai volontairement choisi ces matériaux de qualité aux couleurs rutilantes pour créer un effet de contraste avec le matériau de rebut qu’est la lingette, un non tissé finalement très doux très solide qui possède des qualités insoupçonnées. Actuellement j’ai déjà cousu une belle surface qui symbolise ma vie de labeur. Cette tapisserie de Bayeux du pauvre, ce travail de Pénélope qui n’attend qu’elle même est carrément beau. Je ne peux pas m’empêcher de penser aux travaux d’aiguille des Amish ou l’art du Boro japonais. unnamed-file20180620_16043020180620_160456120180620_16051220180620_16052320180620_160456Toutes ces nuances de gris c’est tellement… poignant, tellement expressif de ce qu’est ma vie de ce que sont nos vies de femmes. Il n’y a pas couleur chatoyante juste d’infimes nuances de gris colorés, teintes un peu mélancoliques comme le bord de mer en baie de Somme,mes premières vacances. D’un autre coté ces lingettes sont vendues (assez chères d’ailleurs) pour éviter de ternir notre linge qui doit rester pur, blanc et ça tombe pile poil sous l’injonction totalitaire faite aux femmes sur la perfection que nous sommes sensées atteindre chaque jour: pas de poils disgracieux, pas de cellulite, pas de varice pas de graisse. Un corps glabre parfumé tonique éternellement jeune. Je remercie Chloé qui m’a mise sur la voie pour cette interprétation subtile. Ces lingettes symbolisent aussi tous nos efforts à la fois vains et constants pour rester désirables sur le marché de la chair, de la séduction. Ces lingettes  font bien leur petit travail pour absorber les vilaines couleurs qui risqueraient d’entacher la perfection à laquelle nous aspirons vainement, lingette qui une fois utilisée sera jetée à la poubelle. Cela aussi fait écho au sort des femmes qui une fois trop mûres, trop vieilles se feront remplacer par une jeune femme lisse et fraîche.Cela vibre en moi qui fait désormais partie des « invisibles ».

Le fait de les garder leur octroie une certaine valeur, le fait de les assembler les unes avec les autres leur donnent une force, une cohérence qu’en tant que »lingettes isolées » elles n’auraient jamais eu! C’est drôle non ce double sens, cela me trouble beaucoup, j’aime ça. Elles forment un tout, une grande surface qui augmente chaque jour, j’ai décidé de m’arrêter quand j’aurai trouvé un endroit pour exposer ce projet. J’ai commencé à prendre en photo les tas de poussière  issus de mon balayage quotidien et je pratique d’autres petits actes magiques dont je vous parlerai une autre fois. Comme l’union fait la force, ma meilleure amie Chloé m’a rejoint dans cette démarche  qui se nomme pour le moment « VDf » pour vie de femme… Mais nous n’en sommes qu’au début. Ce projet deviendra peut être collectif ce serait encore mieux. Que celles qui lisent ces lignes et se sentent concernées m’écrivent je suis ouverte aux vents contraires, les plus fous les plus transgressifs, je m’approche à pas de loup de ma liberté, je suis la sorcière nacrée.

Hier j’ai appris que la professeur de danse  de Saskia(très choquée) avec qui j’avais travaillé l’an dernier pour le décor de son dernier ballet et morte sous le coup d’un féminicide, abattue comme du gibier avec le fusil de chasse de son époux qui s’est ensuite suicidé. Elle était….Femme, flamme danseuse, sensuelle, courageuse, imaginative. Elle voulait vivre libre, le quitter. Il n’a pas supporté et l’a supprimée comme si elle lui appartenait….

Ce projet lui sera dédié.

I still loving you…

Chaque journée est un mini marathon ou j’essaie de voler quelques heures au quotidien chronophage. Peut on considérer que j’ai une démarche artistique réelle en travaillant de manière effective une heure par jour, sachant que le reste de la journée et la nuit je passe mon temps à réfléchir sur mes projets tout en assurant le quotidien. Finalement le seul moment ou je me concentre c’est quand je bosse pour les élèves là je suis à ce que je fais par respect pour leur travail .

Pouffff un coup de baguette de la fée Testicule!

Ah si j’étais un homme , je serai capitaine comme dit la chanson québécoise des années 70…Alors ça y est je suis un homme , plutôt beau gosse colérique et attachant, appelez moi Tikén (c’est le nom que m’auraient donnée mes parents si j’avais été un garçon) .J’ai une petite femme toute mimi qui admire mon art et fait en sorte que je puisse travailler, réfléchir ,écrire, peindre dans la plus grande tranquillité et je pense qu’elle m’aime pour « l’artiste en devenir » que je suis. Nos trois charmants bambins n’ont pas le droit de déranger Papa qui peint (ce n’est pas son violon d’Ingres c’est son travail alors respectez ça les gamins ) même si c’est Maman qui rapporte l’argent pour faire vivre la famille. Lola (nommons ainsi ma tendre épouse) fait en sorte de ne pas me troubler avec les contingences répugnantes du quotidien, rentrant  sans faire de bruit des courses, les bras chargés de victuailles pour nourrir la famille. Elle pose les crackers japonais au wasabi que j’aime tant sur mon bureau, ceux que je croque nerveusement quand les idées me fuient …. j’en profite pour l’attraper par la taille en passant mais celle ci s’enfuit en riant me traitant d’obsédé… Elle aimerait bien s’attarder dans mon atelier mais là ce n’est pas possible car elle doit préparer des endives picardes pour ce soir (ces endives du nord qui me rappellent mon enfance et que j’aime tant), j’ai une femme merveilleuse….

STOP!!

Ce n’est même pas un fantasme car je ne rêve pas d’être transformé en gros macho artiste peut être… mais macho quand même…C’est juste une tentative d’endosser le costume de l’HOMME artiste qui a un statut si différent de celui de la femme artiste parce qu’il trouve en général une femme admirative qui  s’occupe de lui  avec dévouement. Une femme artiste n’a jamais cette « chance » enfin je n’en connais aucune qui ait trouvé la perle rare sacrificielle!

 

J’étouffe, je camoufle ma colère qui couve en mal de dos persistant qui brûle mes lombes en plein milieu de la nuit et je me dis que si cela continue ainsi je n’y arriverai jamais, je veux dire que je n’arriverai jamais à aller au bout de mes projets, autant mourir tout de suite. Ajoutez à tout ça ma propension à m’engager dans des projets multiples fort séduisants mais  toujours bénévoles qui réduisent encore la portion congrue du temps de création. Cet été j’ai fait un bilan sévère en rangeant mon atelier, après avoir fini le décor du spectacle de danse  de Nathalie aux Carmes…Il fut amer. Certes j’aime commencer les choses pas trop les terminer (je croule sous les idées c’est comme ça depuis toujours) mais il y a des limites. Je fragmente tellement mon quotidien en « tâches » différentes dans le même lieu que cela en devient aliénant. Alors étalant tous mes projets: les »artdolls », les objets en papier mâché,les bijoux en tissu, les peintures sur supports divers sans compter ma production numérique, les textes que j’écris  je me suis dit STOP, je vais FINIR tout ça j’y mettrais le temps mais je vais le faire et ensuite je ferai des cadres moi même et je chercherai toute seule un endroit pour exposer, sans rien dire  je le ferai c’est tout, coûte que coûte en regagnant du temps  pour moi.

ça va être la guerre….

J’ai décidé de « les » faire plus participer au quotidien que j’assume toute seule alors que moi aussi je travaille (mais à la maison donc c’est comme si je me tournais les pouces toute la journée, c’est clair je passe mon temps à surfer sur Facebook et je me prends des bains moussants d’une heure tous les jours…humour noir et amer). Pour le moment ça ne bouge pas trop…Leur quotidien est tellement confortable : toujours du papier cul dans les toilettes, un repas chaud midi et soir préparé à heure fixe, la petite chemise bleue que cherche Saskia affolée est bien rangée dans son armoire….Et tout ça sans aucune gratification ni remerciement d’aucune sorte, jamais, comme si c’était NORMAL. Normal que je sacrifie tout mon temps, toutes mes journées pour deux êtres qui s’entre déchirent en me prenant à témoin, me piétinant au passage sans vergogne ….

Il y a un temps pour tout, il y a un moment ou il faut changer les habitudes toxiques.

Alors vous qui lisez cela vous vous demandez ce qui me prend. Ou vous avez arrêté avant parce que les récriminations d’une ménagère c’est pas ce que vous vous attendez à lire sur un blog » soit disant » artistique. Mais pourtant je suis au cœur du sujet, dans l’œil du cyclone de la vie d’une artiste  femme …Le « #balancetonporc » m’a remuée en profondeur et je fais donc le constat de ma petite vie de bonne femme qui rêvait d’être une artiste. Je vais avoir 55 ans et j’ai presque honte quand il est 19 h 15 que je suis entrain de travailler fébrilement sur une série que j’ai envie de continuer,d’avoir perdu un quart d’heure sur l’horaire habituel de la confection du repas. Je suis tellement formatée que je ne pense même pas à leur dire de temps en temps :  « hé les gars les filles ce soir c’est je regarde dans le réfrigérateur et je me prépare un truc parce que moi là je suis trop occupée , il faut que j’avance mon taff. »

Mais ça n’arrive jamais.

Je vais donc TOUT finir, terminer, plier, encadrer. Ne plus rien prendre comme engagement exit les fêtes du jardin ou j’ai passé du temps sans avoir aucune reconnaissance ou un décor qui m’a pris un mois et m’a cassé le dos sans recevoir aucun merci, à quoi bon, je ne suis pas aigrie juste lucide et ça fait très mal. Maintenant je vais travailler pour MOI. Je vais y arriver parce que je suis pugnace (les virus que j’héberge depuis 30 ans le savent bien !!) encordée à la volonté d’être moi même avec mes fulgurances, mes émotions mes intuitions. J’ai envie de voir le bout de ce petit morceau de tunnel de ma vie.Ce n’est pas quelque chose de nouveau pourtant. Avant de tomber enceinte de Saskia  fin décembre 2003  j’ai fait une exposition de belle envergure au grand squat art  « Mix art Myrys » de Toulouse, elle avait recueilli de bons échos et j’avais même vendu trois œuvres à une bourgeoise toulousaine. Je peux donc aller au bout d’un projet, je déjà l’ai fait.Plusieurs fois.

C’est une histoire de survie, c’est une histoire de femme, de femme artiste, c’est mon histoire.

Saskia est grande elle a treize ans, elle me demande sans cesse de la lâcher, je crois qu’il faut que je reprenne les rênes de ma vie, il y a urgence.

Urgence de me faire plaisir, de me faire du bien, de prendre conscience de ma puissance créative, de ma singularité.

La guerrière reprend les armes : ses chers pinceaux…

Bones and more

J’ ai participé cet hiver à un événement « les jardins en fête ». J’ai beaucoup travaillé mais j’en garde un gout amer une fois de plus je pense que j’ai fait de mauvais choix en m’engageant avec ces personnes qui n’avaient finalement aucune sympathie pour moi. Cela doit me servir de leçon: ne pas trop donner, ne pas s’ouvrir de manière immodérée sans se rendre compte que les autres vous perçoivent de manière négative. J’ai parfois l’impression d’être aveugle du cœur ….

Il a été facile pour moi de tirer un trait sur cette mésaventure en m’engouffrant dans un nouveau projet. Saskia depuis son plus jeune âge pratique la danse et comme j’ai une grande admiration (euphémisme) pour les danseurs et cet univers en général je deviens toujours »copine » avec son professeur et de fil en aiguille lorsque je dis que je peins, on me demande de créer le décor pour le spectacle de fin d’années. Pour la deuxième fois donc, je participe à cette expérience. En Janvier Nathalie m’a donné son synopsis et j’ai commencé à faire des recherches, en Mars nous sommes allées ensemble aux Carmes de Langon pour prendre les mesures et discuter du « comment » évoquer une cathédrale (la référence étant celle de Cordoue) ville d’ou vient la grand mère de Nathalie.Intérieurement j’étais affolée (un peu récurrent ça chez moi) mais je n’ai rien laissé voir de ma terreur j’ai pris les dimensions, posé les questions au régisseur, fait des croquis et suis rentrée chez moi la peur au ventre (je n’y arriverai jamais, je n’ai jamais fait ça, ou je vais m’installer pour faire des décors aussi grands???……..). Ma routine en fait je crois que c’est ce qui fait le sel de la vie, se donner des défis, les relever ou tomber qu’importe, être soulagée, fière et continuer toujours plus loin. Je me rends bien compte que la vie quotidienne ne me satisfait pas du tout. Tout au contraire la vie quotidienne m’étiole, me rend toute tassée et dépressive. Au point qu’après avoir essayé de me réguler (je suis officiellement reconnue comme bipolaire par un spécialiste du centre expert de la ville de Bordeaux), le psy qui a fait mon bilan et la psy adorable qui me suit ont décidé (n’ayant pas supporté la molécule qu’ils m’ont proposée) de me laisser comme ça sans filet chimique, en me faisant promettre de créer sans discontinuer. Parce qu’ils ont bien compris que c’était le sens de toute mon existence et que l’exercice de l’art cette passion monstrueuse qui m’obsède me tient en vie, me sort toujours des pires états que je traverse régulièrement et dont je ne parle plus parce que je ne vois en quoi cela peut intéresser les gens notamment sur mon profil Facebook. Mais je vais très loin, très bas au plus profond de mon désespoir en solitaire. Tout en continuant  à gérer le quotidien, ce quotidien qui m’exaspère…En essayant de ne pas montrer à ceux qui me vivent avec moi combien je vais mal combien la mort me sourit de toutes ses dents et ceci presque journellement, comment pourraient ils comprendre…

Deux mois de recherches sur Pinterest, à la bibliothèque m’ont permis d’élaborer une structure correcte fiable du point de vue de l’histoire de l’art, qui raconte cette étrange coexistence de deux religions antinomiques: l’islam et la chrétienté…Des dizaines de croquis plus tard j’ai proposé ma création finale à Nathalie qui l’a validée enthousiaste. Me voilà rentrée à la maison avec toutes ces lourdes toiles de jersey blanc ignifugé et les grands cartons pour créer des oriflammes..Depuis un mois c’est le chantier intégral à la maison, mais Francis et Saskia ne se plaignent pas ils enjambent les décors, je crois qu’ils ont compris que c’était vital pour moi et puis je continue à corriger mes copies répondre aux élèves en ligne et faire tout ce qu doit être accompli dans une maison par une femme d’intérieur parfaite (ironie totale dans ce propos)…Je croule sous le travail et souffre terriblement du dos, des genoux  de toutes articulations en fait mais c’est ma vie, je ne veux pas autre chose, j’en veux encore plus toujours plus. J’aimerais mourir comme Cézanne… quasiment sur le motif, heureux homme. C’est la raison pour laquelle je tiens ce blog pour témoigner d’une vie vouée à l’art malgré la maladie psychique et physique. Je ne veux pas m’ériger en exemple ni faire pitié, juste dire comment moi je m’en sors jusqu’ici…. Cela peut servir.Je ne sais pas…

Cet après midi j’ai presque terminé. Bonheur et angoisse mêlés parce que dés mercredi nous allons au plateau deux jours pour installer tout ça. Je suis excitée de vivre cette expérience je ne donnerais ma place pour rien au monde. Ensuite? Et bien si tout va bien je travaillerai en cordée (ma formule préférée) avec Fred Ducom (le père de mon neveu adoré Herran) sur un recueil pour enfants et à la rentrée je retrouve Régis Roux pour une deuxième collaboration.Voilà c’est ce qui construit mon bonheur fragile entre les ruines et les bouffées d’angoisse qui m’assaillent régulièrement.

Pendant le vacances pas de répit, ce mot n’a pas de sens pour moi..; L’été est toujours une période difficile dont la lumière met encore plus en valeur mes zones d’ombres.

Aussi je vais essayer de terminer la série »choses roses sur fond bleu » qui reste en suspend depuis trop longtemps, hâte de terminer ça pour attaquer un projet qui bouillonne dans mon crâne( mais dont je ne préfère pas encore parler) et puis aussi continuer le travail psy qui consiste à apprendre à me donner une « valeur »et donc à m’exposer enfin d’abord à chercher un lieu d’exposition ceci pour 2018…15 ans que je n’ai pas exposé : il serait temps mais je pense y arriver car je me suis débarrassée d’une phobie sociale très invalidante.A cœur vaillant rien n’est impossible!

autoportrait.2

Je n’ai pas de mots qui sortent de la bouche.

Je suis rentrée dans mon hiver, dans la grotte profonde de l’ogresse, dans une période de travail et de solitude. La solitude je la connais, elle fait intiment partie de moi, de mes cellules. Nous devons tous s’y confronter un jour ou l’autre et même,  ne plus compter sur « l’autre », celui qu’on prenait pour l’alter ego. Il n’y a pas d’alter ego il n’y a que soi.

Le regard interrogateur et câlin  que je posais si souvent sur moi-même à travers la cérémonie du miroir n’est plus, à quoi bon faire le détail systématique des traces provoquées par le Temps?  Du temps qui passe j’en ai déjà parlé ici et ailleurs… Il vous dépouille tranquillement et vous laisse sur le sol face à vos contradictions, vos erreurs, vos peines.Le Temps fut très longtemps un ennemi pour moi, contre lequel je luttais (encore une année de gagnée sur..) tant et plus que je suis arrivée à 52 ans sans m’en être rendue compte et de l’automne d’une vie que je ne croyais jamais connaitre à grande vitesse je m’approche.Je suis prête finalement car de mon enveloppe corporelle qui fut désirée, malaxée, aimée je me détache sans encombre .Ouf je ne serai donc pas ce genre de femme qui ne savent ni ne peuvent  vieillir sans souffrir courant sans fin contre le ravage des années, qui marque son empreinte sur le visage sur le corps, de manière impitoyable mais… juste. Mieux vaut plier comme le roseau et accepter l’inéluctable, en essayant de changer de rôle, en essayant de changer de point de vue.Finalement ce n’est pas si difficile.

C’est ce que j’ai cherché à évoquer avec cet autoportrait qui s’enfonce au plus vif de la chair apparente et fuyante jusqu’aux traces que j’ai laissé sur la « toile » , mes mots s’impriment sur la peau fragmentée, tachée de noir comme les évocations du néant qui parfois m’envahissent, tachée de lumière celle que je recueille dans mon isolement, dans le silence de la création quotidienne, acharnée. Non je n’arrêterai pas de dessiner,d’écrire ,de coudre ,de rêver et de peindre. J’aime de plus en plus mes mains qui fidèles ouvrières sont toujours là pour répondre à mes demandes. Elles s’activent parfois douloureuses et un peu « tordues » comme de vieilles branches, qu’importe : elles sont mon trésor.

Je ne dirai plus : »regardez moi » mais….

…..regardez juste un peu ce que je fais.BIB